La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 15 mai 2025, s’est prononcée sur la légalité du placement préventif en cellule disciplinaire.
Un détenu a refusé d’obtempérer aux injonctions du personnel pénitentiaire lui demandant de rejoindre un autre bâtiment de l’établissement de Villepinte.
L’administration a alors décidé son placement immédiat en cellule disciplinaire à titre préventif, sans attendre la réunion de la commission de discipline.
Le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision par un jugement du 18 septembre 2024, dont le ministre de la justice relève appel.
Le requérant soutient que l’inertie physique constitue une faute du deuxième degré justifiant la mesure prise par le chef d’établissement.
La juridiction doit déterminer si le refus d’obtempérer sans violence permet d’engager une mesure de confinement préventif au regard des nécessités de l’ordre.
La Cour rejette la requête au motif que l’administration n’établit pas le caractère indispensable de cette mesure de placement en cellule disciplinaire.
Le juge administratif examine d’abord la qualification juridique des faits reprochés avant de contrôler strictement la nécessité de la mesure préventive.
**I. La caractérisation d’un refus d’obtempérer constitutif d’une faute du deuxième degré**
La Cour valide la qualification de faute disciplinaire malgré l’absence de comportement violent de la part de la personne incarcérée.
**A. L’indifférence du recours à la violence pour la faute de deuxième degré**
L’article R. 232-5 du code pénitentiaire prévoit que constitue une faute le fait de « refuser d’obtempérer immédiatement aux injonctions du personnel ».
Le juge souligne que « la condition de violence n’est pas requise » pour caractériser ce manquement, contrairement aux fautes du premier degré.
Cette distinction textuelle permet de sanctionner la simple désobéissance sans qu’il soit nécessaire de constater une agression physique ou des menaces.
Dès lors que l’ordre n’est pas respecté, la matérialité de la faute est établie indépendamment de l’intensité de la résistance opposée.
Cependant, l’existence d’une faute ne suffit pas à justifier toute mesure de sûreté, imposant ainsi un second examen sur la proportionnalité.
**B. La qualification souveraine de l’inertie physique du détenu**
Les faits révèlent que l’intéressé a fait preuve d’une « inertie physique pour refuser son affectation dans un autre bâtiment » de la prison.
Ce comportement passif est assimilé à un refus formel d’exécution, caractérisant ainsi l’infraction aux règles de vie au sein de la détention.
**II. L’exigence d’une nécessité absolue pour le placement préventif en cellule disciplinaire**
Le juge exerce un contrôle restreint mais effectif sur l’appréciation du caractère indispensable de la mesure ordonnée par l’autorité administrative.
**A. Le respect de la condition de l’unique moyen de préserver l’ordre**
L’article R. 234-19 exige que le placement préventif soit « l’unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l’ordre ».
Cette mesure d’exception déroge au principe de la procédure contradictoire préalable et impose donc une démonstration rigoureuse de son caractère inévitable.
L’administration doit prouver qu’aucune autre solution moins attentatoire aux libertés n’était envisageable pour assurer la sécurité interne de l’établissement pénitentiaire.
La Cour veille ici à ce que l’urgence ou la gravité alléguée repose sur des éléments de fait précis et non sur des suppositions.
Le défaut de justification factuelle entraîne l’irrégularité de la décision de placement, comme l’illustre la suite du raisonnement de la juridiction.
**B. L’insuffisance des considérations générales tenant à la perturbation de la détention**
Le ministre invoquait le risque que le refus de mouvement vienne « perturber la détention et les mouvements des autres détenus ».
Le juge administratif écarte cet argument en estimant qu’il s’agit d’une « simple éventualité » ne justifiant pas une mesure aussi rigoureuse.
L’administration n’explique pas concrètement en quoi l’inertie constatée mettait réellement en difficulté les agents ou l’organisation générale de la maison d’arrêt.
Les déclarations produites par l’autorité pénitentiaire sont jugées « insuffisamment circonstanciées » pour fonder la légalité du placement préventif en cellule disciplinaire.