Cour d’appel administrative de Paris, le 16 avril 2025, n°23PA05124

La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 16 avril 2025, se prononce sur l’application du dispositif anti-évasion fiscale prévu à l’article 123 bis du code général des impôts. En l’espèce, des contribuables résidents de France ont fait l’objet de rectifications d’impôt sur le revenu pour des bénéfices réalisés par des trusts établis à l’étranger. Ces structures facturaient des prestations de conseil que les requérants effectuaient personnellement sur le territoire national. Saisi par les contribuables, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge des impositions. Les requérants ont alors interjeté appel, soutenant principalement que l’article 123 bis n’était pas applicable aux trusts et que le montage mis en place ne revêtait pas un caractère artificiel. Il s’agissait donc pour la Cour de déterminer si un résident français, qui détient des droits dans un trust étranger dépourvu de substance économique, peut être imposé sur les bénéfices de cette entité au titre de l’article 123 bis du code général des impôts. La Cour répond par l’affirmative, jugeant que les trusts entrent bien dans le champ du dispositif et que l’interposition de telles entités constitue un montage artificiel dont le but est de contourner la loi fiscale française.

I. L’inclusion confirmée des trusts dans le champ d’application de l’article 123 bis

A. La taxation des bénéfices d’un trust contrôlé par un résident français

La Cour administrative d’appel confirme que les dispositions de l’article 123 bis du code général des impôts s’appliquent aux bénéfices réalisés par l’intermédiaire de trusts. Elle se fonde sur l’intention du législateur pour affirmer que ces dispositions « doivent par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, être regardées comme incluant dans leur champ d’application les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus dans les trusts au sens du droit anglo-saxon ». Ce faisant, le juge écarte une interprétation restrictive du texte qui aurait pu exclure ces structures juridiques particulières. De plus, la Cour analyse la nature réelle des pouvoirs des bénéficiaires pour rejeter la qualification de trust discrétionnaire. Elle constate que « les « owners » des trusts exercent en vertu de ces actes constitutifs les pouvoirs de gestion des sociétés mises en trust […] et en perçoivent les bénéfices ». La détention effective du contrôle et la perception des revenus prévalent donc sur la qualification formelle de l’acte pour caractériser la détention de droits au sens de la loi fiscale.

B. La caractérisation d’un régime fiscal privilégié

L’application de l’article 123 bis suppose également de démontrer que l’entité étrangère est soumise à un régime fiscal privilégié. La Cour s’attache à une comparaison concrète de la charge fiscale, conformément à l’article 238 A du code général des impôts. Elle relève que les trusts en cause n’ont supporté aucune imposition effective sur leurs bénéfices dans leurs États d’établissement respectifs. L’administration fiscale avait établi que « le trust AGM n’a pas déposé de déclarations ni supporté d’imposition au Royaume-Uni et que le trust Morilight n’a pas davantage été soumis à l’impôt à Gibraltar s’agissant d’une activité offshore ». Cette absence totale d’imposition suffit à elle seule pour considérer que les entités bénéficiaient d’un régime fiscal privilégié, la charge fiscale étant inférieure de plus de la moitié à celle qui aurait été due en France. La condition posée par la loi est ainsi matériellement remplie.

II. La reconnaissance d’un montage artificiel et ses conséquences répressives

A. La qualification inévitable du montage artificiel

La Cour procède à une analyse factuelle rigoureuse pour écarter la clause de sauvegarde qui exempte les structures n’ayant pas un caractère artificiel. Elle conclut que le montage avait pour seul but de se soustraire à l’impôt français. Pour le juge, « ces entités n’ont aucune activité économique sur leur territoire d’implantation, que leurs seules dépenses sont constituées de frais de domiciliation, de frais de gestion et de tenue de comptabilité ». La localisation des clients en France, l’absence de moyens matériels et humains à l’étranger et la réalisation effective des prestations sur le territoire national sont autant d’indices concordants. Face à ces éléments objectifs, la Cour estime que « l’interposition dépourvue de réalité économique d’entités étrangères est constitutive d’un montage artificiel dans le but de contourner la législation fiscale française ». La bonne foi alléguée par le contribuable est jugée inopérante face à l’évidence d’une construction purement formelle.

B. L’application justifiée de pénalités sévères

La caractérisation d’un montage artificiel emporte des conséquences sévères en matière de pénalités, que la Cour valide entièrement. L’application de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses est jugée fondée. Le juge retient non seulement la création d’entités fictives, mais également l’utilisation de comptes bancaires non traçables et la dissimulation d’une partie des bénéfices, le tout « dans le but d’égarer ou restreindre le contrôle de l’administration ». Par ailleurs, la Cour confirme l’amende pour non-déclaration de comptes à l’étranger. Elle rappelle qu’un compte est réputé utilisé dès lors que le contribuable y a effectué une opération, « qu’elle soit titulaire du compte ou qu’elle ait agi par procuration ». Cette interprétation extensive de l’obligation déclarative, fondée sur la réalité des pouvoirs de disposition plutôt que sur la titularité juridique, renforce l’efficacité du contrôle des avoirs détenus à l’étranger.

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Hassan KOHEN
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