Cour d’appel administrative de Paris, le 16 avril 2025, n°24PA02574

La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision du 16 avril 2025, a statué sur le litige opposant un ressortissant tunisien à l’autorité préfectorale. L’intéressé, entré sur le territoire national en 2011, sollicitait son admission exceptionnelle au séjour en invoquant une présence habituelle de plus de dix ans. Le préfet a opposé un refus assorti d’une obligation de quitter le territoire et d’une interdiction de retour sur le sol français de deux ans.

Le tribunal administratif de Montreuil, par un jugement du 15 mai 2024, a annulé l’interdiction de retour mais a rejeté le surplus des conclusions. Le requérant soutient devant la juridiction d’appel que la commission du titre de séjour aurait dû être consultée en raison de sa présence décennale. Il invoque également une erreur de droit concernant l’usage d’un document frauduleux et une méconnaissance grave de son droit à la vie privée.

La question centrale repose sur la valeur probante des documents produits pour établir la continuité de la résidence habituelle durant dix années. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en estimant que la condition de résidence n’était pas remplie pour l’année 2015. L’examen de la régularité de la procédure précède ainsi l’analyse du bien-fondé de la décision au regard de l’insertion globale du requérant.

I. L’exigence de preuve de la résidence habituelle et la régularité de la procédure

A. Le caractère non probant d’un avis d’imposition au montant nul

La Cour administrative d’appel de Paris précise que la saisine de la commission du titre de séjour est subordonnée à la preuve d’une résidence décennale. Pour l’année 2015, l’intéressé produisait uniquement un avis d’imposition mentionnant un montant nul, ce qui constitue une « pièce non probante » selon les juges. Les magistrats considèrent que cet élément ne permet pas d’établir la réalité de la présence habituelle sur le sol français durant cette période. L’administration n’était donc pas tenue de recueillir l’avis préalable de l’organisme consultatif avant de statuer sur la demande d’admission exceptionnelle au séjour. Cette interprétation stricte de la charge de la preuve renforce le pouvoir d’appréciation des services préfectoraux lors de l’examen des dossiers de régularisation.

B. L’absence d’erreur de droit liée à l’usage d’un document frauduleux

Le requérant alléguait que l’autorité préfectorale s’était crue en situation de compétence liée suite à l’usage d’une fausse pièce d’identité par l’intéressé. La décision d’appel rejette ce moyen en soulignant qu’il ne ressort pas des termes de l’arrêté qu’une telle contrainte juridique aurait existé. Les juges vérifient que le préfet a procédé à un examen réel et complet de la situation personnelle et professionnelle de l’étranger avant de décider. L’usage d’un document frauduleux peut être pris en compte sans constituer pour autant le motif unique et automatique du refus de titre. L’absence de vice de procédure et d’erreur de droit conduit alors le juge administratif à porter son analyse sur l’insertion du ressortissant.

II. Une appréciation proportionnée de l’insertion et du droit à la vie privée

A. Une insertion professionnelle jugée insuffisante pour justifier une régularisation

La Cour administrative d’appel de Paris analyse ensuite les motifs exceptionnels tirés de l’activité professionnelle exercée par le ressortissant tunisien depuis novembre 2016. Les juges relèvent que « ces éléments ne permettent pas de caractériser une insertion professionnelle particulière, stable et ancienne » justifiant la régularisation. L’exercice d’un emploi à temps partiel durant plusieurs années et un contrat récent ne suffisent pas à établir une insertion sociale remarquable. La juridiction confirme ainsi que l’admission exceptionnelle au séjour reste une faculté discrétionnaire de l’administration soumise à des conditions de stabilité exigeantes. Le refus de séjour ne constitue pas, dans ces circonstances, une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’autorité administrative compétente.

B. La conformité de la mesure d’éloignement aux stipulations conventionnelles

L’analyse se porte enfin sur le respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits. La Cour observe que l’intéressé est célibataire, sans charge de famille, et conserve des attaches fortes dans son pays d’origine où réside sa fratrie. Les magistrats affirment que le préfet n’a pas « porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts » poursuivis. La durée de présence en France ne suffit pas à compenser l’absence de liens familiaux locaux et l’insertion professionnelle jugée encore fragile. La légalité de l’obligation de quitter le territoire français est ainsi confirmée par la juridiction d’appel au regard des exigences de l’ordre public.

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Hassan KOHEN
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