Cour d’appel administrative de Paris, le 16 avril 2025, n°24PA03530

La Cour administrative d’appel de Paris, dans sa décision du 16 avril 2025, s’est prononcée sur la légalité d’un arrêté préfectoral portant refus de séjour. Une ressortissante guinéenne, entrée sur le territoire national en septembre 2012, contestait le rejet de sa demande de titre de séjour fondée sur son état de santé. Après l’échec de ses démarches d’asile devant les juridictions spécialisées, l’intéressée avait sollicité la délivrance d’une carte de séjour sur le fondement de l’article L. 425-9. Le préfet de Seine-et-Marne a opposé un refus à cette demande le 31 janvier 2023, assorti d’une obligation de quitter le territoire français sous trente jours. Le tribunal administratif de Melun a rejeté le recours formé contre cet acte par un jugement en date du 2 juillet 2024 dont il est fait appel. La requérante soutient que son état de santé nécessite des soins indisponibles dans son pays d’origine et invoque une atteinte à sa vie privée. La question posée au juge d’appel porte sur les conditions de preuve de l’offre de soins étrangère et sur la proportionnalité de l’ingérence dans la vie familiale. La juridiction confirme la décision des premiers juges en estimant que l’administration n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation au regard des éléments produits aux débats. L’analyse de cette décision suppose d’examiner la rigueur de l’appréciation médicale pour le droit au séjour (I) avant d’envisager la protection limitée de la vie privée (II).

I. La rigueur de l’appréciation médicale pour le droit au séjour

A. La primauté de l’avis du collège de médecins de l’OFII

La Cour administrative d’appel de Paris confirme ici la valeur probante de l’avis médical rendu par les instances spécialisées de l’administration lors de l’instruction. Pour rejeter la demande, le préfet s’est appuyé sur l’avis émis le 5 juillet 2022 par le collège des médecins de l’organisme compétent en matière d’immigration. Cet avis précisait que l’intéressée « peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié à son état de santé dans son pays d’origine eu égard à l’offre de soins ». Le juge administratif rappelle que l’autorité préfectorale est tenue de suivre ces orientations médicales sauf si des éléments probants viennent sérieusement contredire cette expertise. En l’espèce, la juridiction valide le raisonnement suivi par les premiers juges en écartant les moyens relatifs à un éventuel vice de procédure lors de la consultation. La solution adoptée souligne la confiance du juge envers les avis techniques rendus par le collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

B. L’exigence d’une preuve précise de l’indisponibilité du traitement

La requérante ne parvient pas à renverser la présomption de disponibilité des soins par la production de pièces médicales trop vagues ou insuffisamment circonstanciées pour le juge. Elle versait aux débats un certificat médical mentionnant qu’il « n’est pas certain qu’une prise en charge adéquate puisse avoir lieu dans le pays d’origine ». La Cour estime souverainement que ce document se borne à une simple incertitude sans nommer précisément le pays concerné ni la nationalité de la patiente. Le juge conclut qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier que les caractéristiques du système de santé guinéen ne permettraient pas à la requérante d’avoir effectivement un accès ». Cette position impose une charge de la preuve particulièrement lourde au ressortissant étranger qui doit démontrer l’absence concrète de soins par des documents précis. La simple crainte d’une carence du système de soins étranger ne suffit pas à caractériser une méconnaissance des dispositions de l’article L. 425-9.

II. La protection limitée du droit au respect de la vie privée

A. L’absence d’isolement familial dans le pays d’origine

Le juge administratif effectue un contrôle classique de la situation personnelle pour vérifier si le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit de la personne. La Cour administrative d’appel de Paris relève que l’intéressée « est célibataire et sans charge de famille en France » malgré la durée de son séjour sur le territoire. Le juge s’appuie également sur le fait que la requérante « n’est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays où réside notamment sa fille ». L’existence d’une descendance mineure restée dans le pays de provenance constitue un élément déterminant pour justifier la possibilité d’un retour sans rupture des liens. La situation d’isolement alléguée en France n’est donc pas établie, ce qui permet à l’administration de décider l’éloignement sans méconnaître les stipulations de la convention européenne. La décision confirme ainsi qu’une présence prolongée en France ne garantit pas à elle seule la délivrance d’un titre de séjour pour vie privée et familiale.

B. La validation de la mesure d’éloignement et du pays de destination

La légalité de l’obligation de quitter le territoire découle ici directement de la validité du refus de séjour prononcé par le préfet de Seine-et-Marne. La requérante invoquait par ailleurs l’article 3 de la convention européenne pour s’opposer à son renvoi vers son pays d’origine en raison de ses besoins médicaux. Le juge écarte ce moyen en reprenant les conclusions tirées de l’examen de l’offre de soins déjà réalisé lors de l’analyse du droit au séjour. Il considère que l’intéressée « ne démontre toutefois pas que la prise en charge médicale rendue nécessaire par son état de santé ne serait pas accessible ». L’absence de risques de traitements inhumains ou dégradants est donc confirmée par le juge au regard de la capacité du système sanitaire guinéen à soigner. Cette solution finale entraîne le rejet de l’ensemble des conclusions de la requête, y compris les demandes d’injonction sous astreinte formulées par la partie requérante. La décision du tribunal administratif de Melun est donc confirmée en toutes ses dispositions par la juridiction d’appel pour des motifs de droit et de fait.

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Hassan KOHEN
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