Cour d’appel administrative de Paris, le 16 avril 2025, n°24PA04194

La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 16 avril 2025, se prononce sur la légalité d’une mesure d’éloignement. A travers cette décision, la juridiction administrative précise les conséquences d’une contradiction majeure entre les fondements d’un arrêté et sa portée exécutoire. Un ressortissant étranger, titulaire d’une carte de résident de longue durée délivrée par l’Italie, a fait l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a édicté, le 23 avril 2024, une obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de circuler. Le tribunal administratif de Montreuil a prononcé l’annulation de cet acte le 24 septembre 2024, considérant qu’il était entaché d’une erreur de droit. L’autorité préfectorale a ensuite interjeté appel devant la Cour afin de contester cette annulation et de maintenir les effets de sa décision initiale. La question posée au juge d’appel est de savoir si l’incohérence entre les motifs d’une remise et le dispositif d’une obligation de quitter le territoire vicie l’acte. La Cour administrative d’appel confirme que cette discordance constitue une erreur de droit justifiant l’annulation de l’arrêté ainsi que le réexamen de la situation. L’examen de cette décision suppose d’analyser la contradiction caractérisée entre les motifs et le dispositif (I) avant d’étudier la sanction nécessaire de l’erreur de droit (II).

I. La contradiction caractérisée entre les motifs et le dispositif de l’acte

A. L’incohérence des fondements juridiques invoqués

Les motifs de l’arrêté litigieux s’appuient principalement sur les dispositions relatives à la remise d’un étranger aux autorités d’un autre État membre. L’autorité administrative a considéré que l’intéressé constituait une « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français » pour justifier son éloignement forcé. Le préfet a également relevé que le comportement du ressortissant représentait une menace réelle et grave pour l’intérêt fondamental de la société française. Ces éléments factuels et juridiques tendent normalement à fonder une décision de remise, conformément aux articles L. 621-1 et L. 621-2 du code précité. En agissant ainsi, l’administration a clairement entendu donner à sa mesure administrative le « caractère d’une remise » aux autorités de l’État de résidence.

B. La confusion entre la procédure de remise et l’obligation de quitter le territoire

Pourtant, le dispositif de l’arrêté prononce formellement une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à l’encontre de l’intéressé. Cette mesure d’éloignement spécifique relève exclusivement des dispositions de l’article L. 611-1, lesquelles diffèrent du régime juridique simplifié de la remise européenne. La Cour souligne avec précision que cette « contradiction entre les motifs et le dispositif de l’arrêté » ne permet pas d’identifier la base légale. Une telle incertitude structurelle au sein de l’acte administratif empêche le destinataire de comprendre la nature exacte ainsi que l’étendue de la contrainte. Cette opposition radicale entre le raisonnement suivi par le préfet et la décision finale prise impose logiquement une intervention correctrice du juge.

II. La sanction nécessaire de l’erreur de droit et ses conséquences

A. L’annulation confirmée de l’acte administratif vicié

L’erreur de droit est ici caractérisée par le décalage insurmontable entre le raisonnement juridique développé et la mesure concrète de police adoptée. La juridiction administrative estime que le préfet a utilisé un instrument juridique inadapté aux motifs qu’il avait lui-même exposés dans son arrêté. Cette confusion manifeste entre deux procédures d’éloignement distinctes vicie l’acte dans son ensemble, rendant son exécution parfaitement irrégulière au regard de la loi. Le juge d’appel refuse ainsi de valider la décision administrative, confirmant la solution protectrice retenue initialement par les premiers juges du tribunal administratif. La requête d’appel du préfet est donc rejetée car elle ne parvient pas à démontrer la légalité de cette construction juridique incohérente.

B. La portée de la décision sur la protection des droits de l’administré

Cette solution réaffirme l’exigence de rigueur rédactionnelle qui pèse sur les autorités préfectorales lors de l’édiction de mesures restreignant la liberté d’aller. La Cour administrative d’appel de Paris confirme l’injonction de réexamen de la situation personnelle, garantissant ainsi le respect effectif des droits du ressortissant. Cette jurisprudence rappelle que la protection contre l’arbitraire repose sur la parfaite concordance entre les considérants de droit et les articles du dispositif. Les juges renforcent la sécurité juridique en sanctionnant une pratique administrative imprécise qui fragilise les garanties procédurales offertes par le code de l’entrée et du séjour. L’administration doit désormais reprendre la procédure en veillant à la cohérence de son argumentation juridique pour espérer prendre une décision exécutoire valide.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture