Cour d’appel administrative de Paris, le 17 janvier 2025, n°23PA04664

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 17 janvier 2025, une décision relative à la preuve de l’interruption du délai de prescription de l’action en recouvrement. Une société par actions simplifiée contestait des actes de poursuites émis en février 2022 pour le recouvrement de dettes fiscales portant sur les années 2010 à 2012. Par un jugement du 26 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de l’obligation de payer, constatant la prescription de l’action administrative. Le ministre de l’économie a interjeté appel de ce jugement, soutenant que des avis à tiers détenteur envoyés par plis simples avaient régulièrement interrompu ce délai. La question posée au juge d’appel porte sur la force probante de l’envoi d’actes de poursuites sous pli simple pour interrompre la prescription quadriennale. La juridiction rejette la requête ministérielle en considérant que l’administration doit justifier de la réception effective des actes par le redevable pour interrompre valablement la prescription. L’étude de cette solution conduit à examiner l’exigence de preuve de la notification des actes de poursuite avant d’analyser la sanction de la prescription de l’action fiscale.

I. La nécessaire preuve de la notification des actes de poursuite

L’administration fiscale dispose de prérogatives pour recouvrer ses créances, mais elle demeure soumise au respect des règles relatives à la notification des actes interruptifs de prescription.

A. L’absence de formalisme imposé pour l’envoi des actes

Le juge rappelle qu’ « aucune disposition législative ou règlementaire n’impose l’envoi sous pli recommandé des actes de poursuites susceptibles d’interrompre le délai de prescription ». Cette solution confirme la liberté laissée aux comptables publics dans le choix des modalités d’expédition des avis à tiers détenteur ou des mises en demeure. Le droit fiscal ne conditionne pas la validité intrinsèque de l’acte de poursuite à l’utilisation d’une lettre recommandée avec accusé de réception. Cette souplesse administrative vise à faciliter la gestion des procédures de recouvrement forcé sans alourdir inutilement les formalités de gestion des dossiers courants. Néanmoins, cette liberté de forme ne dispense pas l’administration de ses obligations en matière de preuve de la réception de l’acte par le contribuable.

B. La charge de la preuve de la réception effective

Si la forme de l’envoi est libre, l’administration fiscale « est tenue de justifier de la notification au contribuable des avis à tiers détenteurs » diligentés à son encontre. La Cour souligne que la simple expédition d’un document ne suffit pas à caractériser une notification régulière si le destinataire conteste avoir reçu le pli. En l’espèce, la société soutenait n’avoir jamais eu connaissance des actes de poursuites intermédiaires que l’administration prétendait avoir adressés entre 2014 et 2019. Le juge administratif fait peser sur le comptable public la responsabilité de démontrer, par toute pièce justificative, que l’acte a bien atteint sa cible. L’absence de preuve de cette réception effective prive l’acte de tout effet interruptif sur le délai de prescription de quatre ans.

II. La consécration de la prescription de l’action en recouvrement

L’insuffisance des éléments produits par l’administration conduit mécaniquement au constat de l’extinction de sa créance en raison de l’écoulement du délai légal de quatre ans.

A. L’inefficacité d’une présomption de réception par pli simple

Le ministre invoquait la stabilité de l’adresse de la société pour soutenir que les plis simples devaient être présumés avoir été livrés à leur destinataire. La Cour écarte fermement cet argument en jugeant que cette circonstance « ne permet pas de démontrer leur réception effective » face aux dénégations précises de la partie. La simple probabilité d’une distribution postale régulière ne saurait remplacer la certitude juridique requise pour valider un acte privatif de propriété ou interruptif de droits. Le juge refuse ainsi de créer une présomption de notification qui favoriserait indûment l’administration au détriment des garanties procédurales offertes au redevable de l’impôt. Cette exigence de certitude protège le contribuable contre les aléas de l’acheminement postal et l’arbitraire potentiel d’une administration peu diligente dans son archivage.

B. L’extinction de l’obligation de payer les créances litigieuses

Faute de justification d’un acte de poursuite régulier entre 2014 et 2022, « l’action en recouvrement était prescrite » lorsque le comptable a finalement tenté une saisie administrative. L’article L. 274 du livre des procédures fiscales sanctionne par la déchéance de tous droits l’inaction des comptables publics pendant quatre années consécutives après la mise en recouvrement. La Cour confirme donc le jugement de première instance en déchargeant la société de son obligation de payer la somme totale réclamée par l’administration fiscale. Cette décision rappelle aux services de l’État l’importance cruciale de sécuriser les preuves de notification pour éviter de perdre définitivement le bénéfice de créances fiscales pourtant certaines. La prescription joue ici son rôle de garantie de la sécurité juridique en interdisant le recouvrement de dettes trop anciennes dont la poursuite n’a pas été prouvée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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