La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 17 janvier 2025, se prononce sur le contrôle de la légalité d’une mesure d’éloignement. La juridiction doit déterminer si le juge administratif est compétent pour sanctionner l’irrégularité d’une audition policière préalable à l’édiction d’une obligation de quitter le territoire.
Un ressortissant étranger a fait l’objet d’une interpellation par les services de police avant qu’une mesure d’éloignement avec interdiction de retour ne soit édictée. L’intéressé a sollicité l’annulation de cet acte devant le Tribunal administratif de Montreuil en invoquant une irrégularité commise lors de sa retenue administrative initiale.
Par un jugement du 28 février 2024, les premiers juges ont fait droit à sa demande en relevant l’absence d’assistance par un avocat lors des auditions. L’autorité administrative a interjeté appel de cette décision en soutenant que la juridiction administrative était incompétente pour apprécier les conditions d’un interrogatoire de police.
La Cour administrative d’appel de Paris confirme la solution retenue en première instance et rejette les conclusions de l’administration. Elle considère que le magistrat administratif demeure compétent pour vérifier la régularité de la procédure ayant abouti à l’adoption de l’acte administratif contesté.
I. Une compétence juridictionnelle circonscrite à la phase administrative
A. La distinction nécessaire entre garde à vue et procédure administrative
L’autorité préfectorale contestait la compétence du juge administratif pour se prononcer sur le déroulement d’une mesure de garde à vue ou de retenue administrative. Elle estimait que seul le juge judiciaire pouvait apprécier la régularité des actes accomplis par des officiers de police judiciaire dans ce cadre précis.
La Cour administrative d’appel de Paris écarte cette argumentation en précisant que le premier juge n’a pas examiné la régularité de la mesure privative de liberté. L’arrêt souligne que le litige portait uniquement sur la « régularité de la procédure ayant abouti à l’adoption de l’arrêté contesté », domaine de compétence propre.
B. L’examen souverain des conditions de préparation de l’acte administratif
Le juge administratif doit s’assurer que les décisions individuelles sont prises au terme d’une instruction respectueuse des garanties fondamentales offertes à chaque administré. L’audition policière constitue ici le support factuel et procédural indispensable sur lequel repose l’obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet.
Dès lors que cette audition sert de fondement à l’acte, ses conditions de réalisation entrent nécessairement dans le champ de compétence du juge de l’excès de pouvoir. La juridiction confirme ainsi son rôle de gardien de la légalité des procédures administratives, même lorsqu’elles se déroulent dans des locaux de police.
II. La consécration d’une protection procédurale renforcée pour l’administré
A. La violation manifeste du droit à l’assistance d’un avocat
L’instruction révèle que le ressortissant étranger avait expressément sollicité l’assistance d’un conseil dès la notification de son placement en retenue par les services compétents. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant « n’avait pas bénéficié de cette assistance » durant les auditions menées par les officiers.
Le droit à l’avocat constitue une garantie essentielle permettant d’assurer le respect des droits de la défense durant une phase de contrainte physique et morale. L’absence effective de ce conseil, malgré une demande formelle, vicie irrémédiablement le recueil des déclarations qui serviront ensuite de base à la mesure d’éloignement.
B. L’illégalité subséquente de la mesure d’éloignement contestée
L’irrégularité commise durant la phase d’audition prive l’administré d’une garantie fondamentale et influence directement le sens de la décision prise par l’autorité préfectorale. La Cour administrative d’appel de Paris juge que le tribunal a correctement annulé l’arrêté contesté en raison de cette procédure irrégulière manifeste.
Le rejet de la requête d’appel confirme que la protection des droits individuels prime sur les considérations d’efficacité administrative lors de l’édiction des mesures d’éloignement. Cette solution renforce la sécurité juridique des étrangers en garantissant un contrôle effectif des conditions de leur interrogatoire avant toute décision de renvoi.