Cour d’appel administrative de Paris, le 17 janvier 2025, n°24PA02782

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 17 janvier 2025, une décision relative à la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant étranger, entré en France en 2018 pour solliciter l’asile, s’est vu opposer plusieurs refus administratifs malgré ses diverses tentatives de régularisation par le travail. Après le rejet définitif de sa demande de protection en 2021, l’intéressé s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire national en dépit d’une mesure d’éloignement préalable. Une interpellation sur la voie publique en 2023 a conduit l’administration à édicter une injonction de départ sans délai assortie d’une interdiction de retour d’un an. Le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande d’annulation de ces arrêtés par un jugement rendu le 20 mars 2024 après une contestation infructueuse. Le requérant a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en invoquant notamment une insuffisance de motivation et une atteinte disproportionnée à sa vie privée. La question posée au juge consistait à déterminer si le maintien irrégulier et l’absence de charges de famille justifiaient légalement une mesure d’éloignement immédiate et sévère. La Cour administrative d’appel de Paris confirme la solution des premiers juges en estimant que la situation personnelle de l’étranger ne faisait pas obstacle à l’éloignement. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la validité formelle des actes administratifs avant d’examiner l’appréciation concrète des attaches personnelles et professionnelles du requérant.

**I. La validité formelle et substantielle des motifs de l’obligation de quitter le territoire**

L’autorité administrative doit préciser les considérations de droit et de fait qui fondent sa décision d’éloignement pour respecter les exigences du code des relations administratives.

**A. Une motivation administrative jugée suffisante par le juge de l’excès de pouvoir**

La Cour souligne que l’arrêté énonce précisément les fondements juridiques nationaux et conventionnels nécessaires à la validité de la mesure de police administrative. L’autorité a relevé « que l’intéressé, ressortissant étranger né le 31 décembre 1992, s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour » auparavant. Cette énumération des faits propres à l’espèce démontre que l’autorité administrative a procédé à un examen sérieux de la situation individuelle avant de statuer. Le juge considère ainsi que l’administration n’est pas tenue de reprendre exhaustivement tous les éléments du dossier pour satisfaire à son obligation de motivation. Cette solution classique confirme la souplesse du contrôle juridictionnel sur la forme des actes dès lors que les éléments essentiels de droit y figurent.

**B. La caractérisation souveraine du risque de soustraction à la mesure de police administrative**

Le juge valide l’absence de délai de départ volontaire en se fondant sur l’existence manifeste d’un risque de soustraction à la mesure d’éloignement. La décision précise « qu’il existe un risque que l’intéressé se soustraie à l’obligation de quitter le territoire français » du fait de ses propres déclarations. L’absence de garanties de représentation suffisantes et l’inexistence d’un logement stable constituent des motifs complémentaires légitimant cette sévérité administrative particulière au cas d’espèce. Cette analyse rigoureuse des comportements passés du requérant permet de sécuriser l’exécution forcée des décisions de retour ordonnées par la puissance publique. La régularité externe des actes administratifs ne suffit toutefois pas à valider l’éloignement sans une analyse approfondie des droits fondamentaux garantis par les conventions internationales.

**II. L’appréciation de l’insertion personnelle au regard des engagements internationaux de la France**

Le contrôle du juge administratif porte sur l’équilibre délicat entre la protection de la vie privée et les nécessités impérieuses de l’ordre public migratoire national.

**A. La prépondérance de l’absence de liens familiaux sur l’intégration par l’activité professionnelle**

La Cour administrative d’appel de Paris estime que la présence sur le territoire depuis six années ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée aux droits. L’intéressé « est cependant célibataire et sans charge de famille, et ne se prévaut d’aucun lien personnel suffisamment ancien, stable et intense » en France. Bien que le requérant produise des contrats de travail en qualité de commis de cuisine, cette insertion économique ne compense pas l’absence d’attaches familiales solides. Le droit au respect de la vie privée ne garantit pas aux étrangers un droit de séjour fondé sur le seul exercice d’une activité professionnelle. La juridiction administrative maintient ainsi une hiérarchie claire entre les liens affectifs réels et la simple intégration sociale par l’emploi sur le territoire.

**B. La légalité de l’interdiction de retour et l’absence de risques réels de mauvais traitements**

La décision confirme également la validité de l’interdiction de retour sur le territoire français pour une durée déterminée de douze mois par l’autorité administrative. Le juge note que « l’intéressé ne justifie d’aucune circonstance humanitaire particulière de nature à faire obstacle à une telle décision » de bannissement temporaire. Par ailleurs, les risques de traitements inhumains invoqués pour le pays d’origine sont écartés faute d’éléments établissant une menace personnelle, actuelle et certaine. Le rejet de la demande d’asile par les instances spécialisées constitue un indice fort que le juge administratif utilise pour valider le pays de destination. La Cour rejette donc l’intégralité des conclusions en confirmant que la mesure de police respecte tant la loi nationale que les engagements internationaux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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