Par un arrêt du 17 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur la légalité du refus de délivrance d’un certificat de résidence à un ressortissant algérien, assorti d’une obligation de quitter le territoire français.
En l’espèce, un ressortissant algérien, entré régulièrement en France en 2017 pour occuper un emploi au sein de son consulat, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour après la fin de sa mission en 2021. Il a présenté à l’appui de sa demande un contrat de travail à durée indéterminée et a fait valoir la présence de sa famille, dont son épouse et leurs trois enfants, ainsi que la scolarisation de son plus jeune fils. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande par un arrêté du 24 janvier 2023, lui a imposé de quitter le territoire et a fixé le pays de destination. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Montreuil, qui a rejeté sa demande par un jugement du 25 mars 2024. L’intéressé a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment l’incompétence du signataire de l’acte, la méconnaissance des stipulations de l’accord franco-algérien, du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la convention européenne des droits de l’homme, et de l’intérêt supérieur de son enfant.
Le problème de droit soulevé était de déterminer si le refus d’autoriser le séjour d’un ressortissant algérien, fondé sur le non-respect des conditions d’obtention d’un titre pour un motif professionnel et sur une appréciation de sa situation personnelle, portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
La cour administrative d’appel de Paris rejette la requête. Elle juge que les conditions prévues par l’accord franco-algérien pour la délivrance d’un certificat de résidence en qualité de salarié ne sont pas remplies. Elle estime en outre que la décision préfectorale ne constitue pas une ingérence excessive dans la vie privée et familiale du requérant, au regard des circonstances de l’espèce. La décision se fonde sur une application stricte des conditions posées par l’accord franco-algérien, tant sur le plan professionnel (I) que sur celui des attaches personnelles et familiales (II).
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I. L’application rigoureuse du statut professionnel dérogatoire
La cour administrative d’appel confirme la position de l’administration en appliquant de manière stricte les dispositions spécifiques de l’accord franco-algérien relatives au séjour pour motifs professionnels. Elle écarte ainsi logiquement l’application du droit commun (B) après avoir constaté que les conditions propres à l’accord n’étaient pas satisfaites (A).
A. Le contrôle formel des conditions d’accès au séjour salarié
L’arrêt rappelle que l’obtention d’un certificat de résidence pour un ressortissant algérien souhaitant exercer une activité salariée est subordonnée au respect de conditions précises. L’article 7, alinéa b), de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 impose la présentation d’un contrat de travail visé par les services compétents et la réussite d’un contrôle médical. Le juge se livre à une vérification factuelle et constate que ces exigences ne sont pas remplies en l’espèce.
En effet, la cour relève que « il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le requérant aurait subi le contrôle médical d’usage ni que son contrat de travail aurait été visé par les services du ministre chargé de l’emploi ». La production d’une promesse d’embauche ou d’un contrat non validé par l’autorité administrative est donc insuffisante pour justifier la délivrance du titre de séjour sur ce fondement. Le raisonnement du juge est ici purement formel et ne laisse aucune place à une appréciation au cas par cas, s’en tenant à une lecture littérale des stipulations conventionnelles. Cette approche réaffirme le caractère non automatique de la régularisation par le travail pour les ressortissants algériens.
B. La primauté exclusive de l’accord franco-algérien
Le requérant invoquait également les dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui prévoient une possibilité d’admission exceptionnelle au séjour. La cour écarte ce moyen en le déclarant inopérant, consacrant ainsi le caractère exclusif et complet de l’accord de 1968 pour régir la situation des ressortissants algériens.
La juridiction rappelle une solution constante selon laquelle « les stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent être admis à séjourner en France ». Cet accord constitue un régime dérogatoire qui se substitue entièrement aux dispositions du droit commun des étrangers. Par conséquent, un ressortissant algérien ne peut utilement se prévaloir de dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives aux conditions de séjour. Cette solution, bien établie, illustre la spécificité du statut des Algériens en matière de séjour, héritage de relations historiques et diplomatiques particulières. Le juge administratif se positionne en gardien de cette spécificité, refusant d’étendre des dispositifs de régularisation générale à une situation régie par un traité bilatéral.
II. L’appréciation contrôlée de l’atteinte à la vie privée et familiale
Après avoir écarté les moyens relatifs au séjour professionnel, la cour examine la situation personnelle du requérant au regard de son droit au respect de la vie privée et familiale. Elle exerce un contrôle de proportionnalité sur l’ingérence de l’autorité publique (A) tout en intégrant l’intérêt de l’enfant dans son analyse (B).
A. Le bilan de proportionnalité entre droit au séjour et motifs du refus
Le requérant soutenait que la décision préfectorale portait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, garantie par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et l’article 6, alinéa 5, de l’accord franco-algérien. La cour procède à un examen concret de sa situation pour évaluer le bien-fondé de ce moyen, en mettant en balance les intérêts en présence.
Le juge prend en compte plusieurs éléments. Il note d’abord l’absence d’intégration professionnelle effective, soulignant que le requérant « n’établit pas la réalité ni même l’ancienneté de son intégration professionnelle » en relevant des incohérences entre les bulletins de paie et les relevés bancaires. Il constate ensuite que l’épouse et les deux enfants majeurs du requérant sont en situation irrégulière. Enfin, il considère que la cellule familiale n’est pas dépourvue d’attaches dans le pays d’origine, où l’intéressé a vécu jusqu’à l’âge de 44 ans et où résident encore ses parents et sa fratrie. Au terme de ce bilan, la cour conclut que l’arrêté « n’a pas porté au droit de M. A… au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ». Cette analyse par faisceau d’indices montre que si l’existence de liens familiaux en France est un élément essentiel, elle n’est pas suffisante lorsque l’intégration globale, notamment professionnelle, est jugée défaillante et que la vie familiale peut se reconstituer dans le pays d’origine.
B. La considération mesurée de l’intérêt supérieur de l’enfant
L’un des arguments du requérant reposait sur l’atteinte à l’intérêt supérieur de son plus jeune fils, scolarisé en France, en violation de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. La cour reconnaît que cet intérêt doit être une « considération primordiale » dans les décisions administratives.
Toutefois, elle estime que cet impératif n’est pas méconnu en l’espèce. Le juge considère que la scolarisation de l’enfant ne fait pas obstacle à un retour en Algérie, en relevant qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier qu’il ne pourrait pas accompagner ses parents, ni poursuivre une scolarité normale en Algérie ». Cette motivation, bien que conforme à une jurisprudence établie, illustre une approche restrictive. L’intérêt de l’enfant est bien pris en compte, mais il n’est pas jugé déterminant au point de faire obstacle à une mesure d’éloignement justifiée par d’autres motifs. La cour estime que la continuité de la scolarité, bien que dans un autre système éducatif, préserve suffisamment l’intérêt de l’enfant. La décision révèle ainsi la portée relative de ce principe face aux objectifs de maîtrise des flux migratoires, surtout lorsque la situation administrative des parents est jugée précaire.