Cour d’appel administrative de Paris, le 17 septembre 2025, n°24PA00169

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 17 septembre 2025, un arrêt concernant le régime fiscal d’une entreprise de construction navale. Cette décision précise les critères de qualification d’une entreprise nouvelle et les conditions de déductibilité des rémunérations des dirigeants en période de crise financière.

Une société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité pour ses exercices clos entre 2017 et 2019, entraînant la remise en cause d’exonérations fiscales par l’administration. Le tribunal administratif de Papeete a rejeté la demande de décharge de la contribuable par un jugement rendu en date du 24 octobre 2023. La requérante soutient que la procédure d’imposition est irrégulière et que les rectifications opérées sur son résultat comptable sont dénuées de fondement juridique sérieux. Le litige porte sur la possibilité pour une structure issue d’une restructuration de groupe de prétendre au bénéfice du régime fiscal des entreprises nouvelles. La juridiction doit également déterminer si des abandons de recettes et des hausses de rémunérations de gérance constituent des actes anormaux de gestion caractérisés.

I. La validation de la procédure fiscale et de la structure de l’activité

A. La régularité formelle des actes administratifs et juridictionnels

La société requérante invoquait l’insuffisance de motivation du jugement attaqué ainsi qu’une éventuelle omission des premiers juges à répondre aux moyens soulevés durant l’instance. Les magistrats d’appel écartent ce grief en relevant que la décision critiquée « comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ». Concernant la procédure d’imposition, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision de rejet de la réclamation est jugé inopérant par la juridiction.

La Cour rappelle que les vices entachant cette phase sont « sans influence sur le bien-fondé de l’imposition contestée » ou sur la régularité de la mise en recouvrement. Enfin, le respect du délai de préavis de quinze jours pour l’envoi de l’avis de vérification est établi par les pièces versées au dossier. L’administration n’avait pas l’obligation d’informer le contribuable sur les conséquences d’une acceptation des rectifications concernant la dévolution de la charge de la preuve juridictionnelle.

B. L’exclusion du régime de faveur par la caractérisation d’une restructuration

Le bénéfice de l’exonération d’impôt sur les transactions pour les entreprises nouvelles suppose la création d’une activité réellement indépendante des structures préexistantes du groupe considéré. L’administration fiscale a démontré que la société requérante avait les mêmes associés et le même objet social que l’entité qu’elle visait à remplacer matériellement. La Cour souligne que la contribuable « poursuivait ainsi l’activité existante de la société dans le cadre de l’opération de restructuration du groupe » sans moyens propres.

Le transfert de dix salariés et l’utilisation du matériel de l’ancienne structure confirment l’absence d’une activité nouvelle au sens du code des impôts de la collectivité. Par suite, la remise en cause de l’exonération fiscale au titre des exercices 2017 et 2018 apparaît juridiquement fondée au regard des circonstances précises de l’espèce. Le juge privilégie une approche économique de la notion de nouveauté afin de prévenir les détournements de régimes fiscaux de faveur.

II. Le contrôle du bien-fondé des rectifications et des rémunérations

A. La sanction de la gestion anormale concernant les recettes et les charges

La réintégration d’une facture d’avoir de treize millions de francs dans le résultat imposable repose sur la caractérisation d’un acte anormal de gestion commis sans contrepartie. La convention liant les deux sociétés prévoyait des ajustements tarifaires seulement en cas de dépassement significatif du budget initialement prévu lors de la commande des prestations. Le juge constate que les écarts de facturation étaient inférieurs à dix pour cent, ne justifiant ainsi pas l’émission d’un avoir au profit du client.

L’administration établit que la société a commis un acte anormal « en renonçant à des recettes sans contrepartie » pour favoriser une entreprise appartenant au même groupe économique. Parallèlement, l’augmentation importante de la rémunération du dirigeant est rejetée car elle ne s’accompagne d’aucune amélioration des indicateurs financiers ou du chiffre d’affaires. La déduction de ces charges est exclue dès lors que la situation comptable de l’entreprise s’est fortement dégradée au cours de l’exercice considéré.

B. Le maintien de l’assujettissement aux contributions de solidarité territoriale

L’assujettissement des rémunérations de gérance à la contribution de solidarité territoriale sur les traitements et salaires fait l’objet d’une application rigoureuse des textes fiscaux locaux. La société soutenait vainement que l’absence de statut salarié de son dirigeant faisait obstacle à son imposition au titre de cette contribution sociale spécifique obligatoire. Le code des impôts inclut expressément dans l’assiette de cet impôt les sommes versées aux gérants de sociétés à responsabilité limitée ou en nom collectif.

La Cour précise que les gérants minoritaires ne bénéficient d’aucune exonération particulière, quel que soit le régime d’imposition des bénéfices choisi par la structure sociale exploitante. La décision confirme ainsi la volonté du législateur local d’appréhender l’ensemble des revenus tirés d’une activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou de mandataire social. L’appel de la société est rejeté et cette dernière est condamnée au versement d’une somme au titre des frais de justice exposés par l’administration.

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Hassan KOHEN
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