La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 19 février 2025, une décision relative au régime fiscal des entreprises nouvelles en Polynésie française. Un médecin anesthésiste a débuté une activité libérale en septembre 2018 avant d’acquérir une patientèle par un contrat de cession en novembre 2019. L’administration fiscale a refusé le bénéfice de l’exonération prévue par le code local, considérant que l’intéressé reprenait une activité déjà existante. Le contribuable a alors saisi le tribunal administratif de la Polynésie française afin d’obtenir la décharge des rappels d’impositions mis à sa charge. Par un jugement du 10 octobre 2023, les premiers juges ont rejeté sa demande, ce qui a provoqué l’introduction de la présente instance d’appel.
Le requérant soutient que la procédure de rectification était irrégulière en raison de l’absence de décision expresse préalable sur ses réclamations contentieuses antérieures. Il prétend également avoir été privé d’une garantie substantielle car la commission des impôts n’a pas répondu aux questions précises qu’il lui avait soumises. Sur le fond, le praticien affirme que son activité de remplaçant ne saurait constituer une reprise de matériel ou de clientèle au sens de la loi. Le litige porte ainsi sur la validité formelle de la reprise des poursuites fiscales et sur la définition juridique d’une création d’activité en matière libérale. La juridiction d’appel confirme le jugement de première instance en validant la procédure suivie et en qualifiant l’installation du médecin de reprise d’activité préexistante. Cette étude examinera d’abord la régularité de la procédure d’imposition contestée avant d’analyser les critères de qualification d’une activité réellement nouvelle.
**I. La régularité de la procédure d’imposition et le champ de compétence restreint de la commission des impôts**
**A. La faculté de reprise de la procédure de rectification par l’administration fiscale**
Le contribuable critiquait la possibilité pour l’administration de reprendre une procédure d’imposition après avoir accordé des dégrèvements lors d’une phase contentieuse antérieure. La Cour écarte ce moyen en relevant que le contribuable a été informé de la persistance de l’intention de l’imposer par une nouvelle proposition de rectification. Cette pièce de procédure, adressée le 3 août 2021, « doit en tout état de cause être regardée comme satisfaisant cette exigence » d’information préalable du contribuable. L’administration fiscale conserve le droit de corriger ses propres erreurs tant que les délais de prescription ne sont pas expirés et que les garanties procédurales sont respectées. Une décision de dégrèvement ne fait pas obstacle à l’établissement d’une nouvelle imposition sur les mêmes bases si une procédure régulière est à nouveau engagée.
**B. L’incompétence de la commission des impôts pour trancher des questions de droit**
Le requérant invoquait une irrégularité tirée du mutisme de la commission des impôts sur les interrogations portant sur la nature de son activité de remplacement. Les juges parisiens rappellent que « la compétence de la commission des impôts […] se limite au seul examen des questions de fait » selon le droit local. Les questions soumises visaient à déterminer si une activité de remplacement pouvait juridiquement s’analyser comme une reprise d’activité au regard des textes fiscaux. Il s’agissait donc de points de droit échappant par nature à la compétence de cet organisme consultatif dont l’avis ne lie d’ailleurs pas l’administration. Le grief tiré de la privation d’une garantie est écarté puisque le mécanisme de protection invoqué ne s’applique qu’aux divergences portant sur des faits. La validation des étapes procédurales conduit les juges à se prononcer sur la nature même de l’activité exercée par le praticien.
**II. La caractérisation stricte de la reprise d’une activité préexistante en matière libérale**
**A. Les critères matériels et fonctionnels du transfert d’activité**
Le code des impôts de la Polynésie française exclut du bénéfice de l’exonération les entreprises constituées pour la reprise d’activités préexistantes ou le cadre de restructurations. Pour définir cette notion, la Cour pose le principe qu’une telle reprise « suppose une identité au moins partielle d’activité et le transfert, en droit ou en fait, de la clientèle ». Ce transfert peut concerner les locaux ou les moyens d’exploitation de l’entreprise ancienne vers la nouvelle structure créée par le contribuable concerné. La jurisprudence administrative privilégie ici une approche réaliste et économique de la notion de création d’activité pour éviter des effets d’aubaine fiscale injustifiés. L’existence d’un lien organique entre l’ancienne exploitation et la nouvelle suffit à écarter la qualification d’entreprise nouvelle malgré l’autonomie juridique du créateur.
**B. L’assimilation du remplacement médical à une continuité d’exploitation préexistante**
Les juges analysent concrètement les conditions d’exercice du médecin anesthésiste au sein de la clinique où il a effectué ses premiers remplacements dès l’année 2018. L’activité de remplaçant « implique l’usage des locaux, du matériel et du personnel de la clinique ainsi que la réalisation de soins auprès de la patientèle ». La Cour souligne que la patientèle ne consiste pas seulement en des patients pris individuellement mais englobe tout le réseau médical permettant l’accès aux soins. La succession ultérieure à un confrère n’a fait que confirmer ce transfert des moyens matériels et du réseau de relations professionnelles déjà utilisé auparavant. Dès lors, « tant l’activité en tant que remplaçant […] que la succession […] peuvent être regardées comme correspondant à la reprise d’une activité préexistante ». Le requérant ne pouvait donc prétendre à l’exonération triennale et sa requête est intégralement rejetée par la Cour administrative d’appel.