Cour d’appel administrative de Paris, le 19 février 2025, n°23PA05157

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 19 février 2025, une décision précisant les conditions d’application des sanctions fiscales pour distributions occultes et factures fictives. Une société exerçant une activité de commercialisation de liquides pour cigarettes électroniques a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2014 et 2015. L’administration fiscale a notifié des amendes sur le fondement des articles 1737 et 1759 du code général des impôts à l’issue de ce contrôle. Le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de décharge de ces pénalités par un jugement rendu le 19 octobre 2023. La société requérante soutient en appel que les bénéficiaires des distributions ont été désignés et qu’elle n’est pas l’auteur des factures litigieuses. Elle demande donc l’annulation du jugement contesté ainsi que la décharge des sommes mises à sa charge par le service vérificateur. Le litige porte sur la force probante des réponses apportées par le contribuable et sur la régularité d’une substitution de base légale en cours d’instance. La juridiction d’appel confirme la validité de l’amende pour non-révélation des bénéficiaires tout en opérant une substitution de base légale concernant les factures fictives. L’analyse de cette solution impose d’étudier la rigueur de l’obligation de désignation des bénéficiaires puis les modalités de substitution des sanctions fiscales.

I. La caractérisation stricte de la carence du contribuable dans la désignation des bénéficiaires

A. L’exigence de précision et de vraisemblance des informations transmises

L’article 117 du code général des impôts prévoit que la personne morale est invitée à fournir des indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. La société a désigné des entités ayant émis des factures fictives ou ayant reçu des fonds sans lien apparent avec son activité sociale habituelle. La Cour administrative d’appel de Paris relève que la désignation comme bénéficiaires de revenus distribués est « dénuée de vraisemblance » en l’absence d’explications suffisantes. Le juge administratif souligne que la requérante n’avance aucun élément de nature à étayer que ces entreprises seraient les véritables bénéficiaires des revenus correspondants. Certaines sociétés désignées étaient d’ailleurs déjà dissoutes, radiées ou inconnues à l’adresse de leur siège social au moment de la réponse formulée. Ces circonstances factuelles renforcent la position de l’administration qui estime que les informations communiquées ne permettent pas d’identifier les réels attributaires des sommes.

B. La qualification de défaut de réponse justifiant l’amende de cent pour cent

L’administration fiscale peut assimiler une réponse insuffisante à un défaut de réponse lorsque les indications fournies sont imprécises ou manifestement dépourvues de toute crédibilité. Par son arrêt du 19 février 2025, la juridiction administrative valide cette interprétation en considérant que la réponse apportée doit être regardée comme dépourvue de précisions. Cette carence du contribuable entraîne l’application de l’amende égale à cent pour cent des sommes versées en vertu de l’article 1759 du code général des impôts. La Cour administrative d’appel de Paris juge que l’administration était fondée à considérer que les réponses devaient être « assimilées à un défaut de réponse » au sens de la loi. La sanction est maintenue dès lors que la société n’a pas apporté de preuve contraire capable de renverser les constatations opérées par le service. La protection des intérêts du Trésor public justifie ici une application rigoureuse des dispositions relatives à la transparence des distributions de revenus.

II. La mise en œuvre de la substitution de base légale au stade du contentieux juridictionnel

A. L’erreur de base légale relative à la délivrance de factures fictives

L’amende de cinquante pour cent prévue à l’article 1737 du code général des impôts sanctionne le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une prestation réelle. La Cour administrative d’appel de Paris rappelle que cette amende ne peut être mise à la charge que de la personne ayant effectivement délivré le document. Si l’administration établit qu’une facture fictive a été délivrée par une autre personne, l’amende ne peut être réclamée qu’à cette dernière, redevable de la pénalité. Dans cette affaire, le service n’établit pas que la société Smookies aurait émis elle-même les factures litigieuses alors qu’elles étaient présumées délivrées par un tiers. L’amende appliquée initialement sur ce fondement juridique était donc irrégulière puisque la société n’était que l’utilisatrice et non l’émettrice des documents en cause. La décharge de cette pénalité spécifique semble alors inévitable, sous réserve toutefois des facultés de substitution offertes à l’administration au cours de la procédure.

B. La régularité du passage à la majoration pour manœuvres frauduleuses

L’administration peut justifier une pénalité en modifiant son fondement juridique à condition de ne priver le contribuable d’aucune des garanties de procédure prévues par la loi. La majoration de quatre-vingt pour cent pour manœuvres frauduleuses est ici substituée à l’amende initiale car elle repose sur des faits identiques de déduction de factures fictives. Le juge administratif vérifie que cette substitution invoque des faits déjà retenus pour motiver la sanction initiale afin de respecter les droits de la défense. La Cour administrative d’appel de Paris précise que cette substitution s’opère « dans la limite du quantum de l’amende initialement infligée » par l’administration fiscale. Le montant de la pénalité est ainsi recalculé pour correspondre à hauteur de quatre-vingt pour cent des droits éludés en matière d’impôts sur les sociétés. Cette solution permet de maintenir une répression adaptée à la gravité des agissements tout en rectifiant l’erreur de qualification juridique commise par le service.

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Hassan KOHEN
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