Cour d’appel administrative de Paris, le 19 juin 2025, n°23PA03792

La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision rendue le 19 juin 2025, statue sur l’attribution d’un régime indemnitaire à un agent public. Un ingénieur demande le versement d’une prime de sujétion pour ses missions de conseil accomplies au sein d’une direction territoriale entre 2018 et 2021. L’administration refuse cette demande au motif que l’intéressé n’assumait aucune responsabilité d’encadrement de personnels durant cette période d’activité au sein du service départemental.

Le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, saisi en première instance, condamne la collectivité à verser la somme correspondant à cette indemnité de sujétion d’expertise. L’administration territoriale interjette appel de ce jugement en soutenant que le bénéfice de la prime reste strictement conditionné à l’exercice d’un commandement hiérarchique. Elle estime que les délibérations locales réservent cet avantage financier aux seuls agents chargés de la direction effective d’un service ou d’une équipe technique.

La question posée au juge consiste à savoir si un chargé de mission rattaché à un directeur peut percevoir une indemnité sans encadrement effectif. La Cour administrative d’appel rejette l’argumentation de l’appelante et confirme le droit de l’agent à percevoir l’indemnité calculée sur une base indiciaire précise. L’analyse portera d’abord sur l’éligibilité textuelle du chargé de mission à l’indemnité avant d’envisager l’opposabilité des modalités de mise en œuvre locales.

I. L’éligibilité textuelle du chargé de mission à l’indemnité de sujétion

A. La distinction entre les fonctions d’encadrement et les missions d’expertise

Le texte fondateur définit en principe le bénéfice de l’indemnité de sujétion par l’exercice de fonctions entraînant une responsabilité directe sur des personnels. Toutefois, le juge relève une exception notable concernant les collaborateurs rattachés à certaines autorités administratives supérieures dont les missions ne sont pas de direction. La Cour souligne que « tel n’est pas obligatoirement le cas des chargés de mission mentionnés au titre III » du texte réglementaire organisant les primes.

Cette catégorie d’agents bénéficie d’un régime spécifique qui déroge à la règle générale de l’encadrement pour valoriser la nature particulière de leurs appuis techniques. L’indemnité répond alors à une sujétion liée à la proximité hiérarchique avec les décideurs plutôt qu’à la gestion quotidienne des effectifs de la direction. Cette interprétation permet d’ouvrir le droit à rémunération complémentaire dès lors que la position du conseiller est prévue par les textes de la collectivité.

B. L’inclusion des collaborateurs directs dans le champ des bénéficiaires

Le cadre réglementaire liste précisément les autorités auprès desquelles un chargé de mission doit être placé pour prétendre au versement de cette indemnité forfaitaire. Le juge administratif effectue une lecture combinée des articles pour déterminer si le poste occupé par le requérant entre dans les prévisions du texte. Il ressort de l’arrêt que « les chargés de mission (…) exerçant leurs fonctions auprès d’un directeur, bénéficient de l’indemnité mensuelle de sujétion » prévue localement.

Le lien de rattachement direct avec la direction de l’aménagement constitue le critère déterminant pour l’ouverture du droit au bénéfice de la prime litigieuse. La juridiction d’appel refuse ainsi de restreindre l’application du texte aux seuls agents disposant d’un pouvoir de notation ou de direction sur un service. Cette solution garantit le respect de la hiérarchie des normes entre la délibération cadre et les mesures d’application prises par l’exécutif de la collectivité.

II. L’opposabilité des modalités de mise en œuvre du régime indemnitaire

A. L’interprétation téléologique des délibérations locales

L’administration appelante invoque l’absence de renvoi explicite entre les différentes délibérations pour exclure les conseillers n’exerçant pas de fonctions auprès du secrétariat général. Le juge rejette ce raisonnement en privilégiant une interprétation cohérente de l’ensemble des dispositions applicables aux personnels d’encadrement et aux agents qui leur sont assimilés. La Cour écarte l’argument selon lequel le silence d’un texte d’application « aurait entendu exclure les chargés de mission » rattachés aux directions opérationnelles.

L’absence de mention littérale ne peut suffire à restreindre un droit créé par une délibération supérieure dont l’objet est de définir les plafonds indemnitaires. Le juge assure ainsi la pleine effectivité des droits des agents en évitant qu’une interprétation trop littérale des textes locaux ne vide la prime de sa substance. Cette rigueur juridique protège les collaborateurs d’une éviction arbitraire de leur régime indemnitaire par une lecture parcellaire des règlements intérieurs de l’institution.

B. La consécration du droit à indemnisation sans condition d’encadrement

La réalité des fonctions exercées par le requérant auprès du directeur de l’aménagement n’est pas contestée par l’administration durant l’instruction de l’affaire devant la Cour. Le juge en conclut que l’agent remplit les conditions objectives de rattachement prévues par la délibération relative au régime indemnitaire de la collectivité territoriale. La décision affirme que « quand bien même il n’exerçait pas des fonctions d’encadrement de personnels, il était en droit de bénéficier d’une indemnité ».

La condamnation de la collectivité est donc confirmée car le niveau hiérarchique de l’intéressé correspond aux critères fixés pour l’attribution de quarante-huit points. Le juge rejette l’appel de l’administration et alloue au requérant une somme compensatrice au titre des frais irrépétibles exposés durant la procédure de recours. Cet arrêt consolide la situation juridique des cadres techniques dont les sujétions particulières sont reconnues indépendamment de toute mission d’animation d’une équipe.

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Hassan KOHEN
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