La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 19 juin 2025, se prononce sur la responsabilité d’une commune ayant promis une indemnité de départ illégale. Une collectivité territoriale avait instauré un plan incitatif au départ à la retraite prévoyant le versement de quatre mois de salaire brut aux agents volontaires. Un ouvrier a sollicité sa cessation d’activité tout en réclamant le bénéfice de cet avantage financier avant que l’administration ne retire le dispositif litigieux.
Le maire a accepté la retraite de l’agent mais a refusé de verser la prime en raison de l’illégalité flagrante de la délibération initiale. L’intéressé a saisi la juridiction administrative afin d’obtenir réparation des préjudices matériels et moraux résultant de cette promesse non tenue par son employeur. Après un premier échec contentieux, le requérant a formé une nouvelle demande indemnitaire que le tribunal administratif de la Polynésie française a rejetée en mai 2023.
La question posée consiste à déterminer si le retrait d’une promesse illégale engage la responsabilité de l’administration malgré l’absence de droits acquis pour l’administré. La Cour rejette la requête en estimant que le lien de causalité entre la faute commise et les dommages invoqués n’est pas établi par l’instruction. L’analyse de cette décision suppose d’étudier la caractérisation de la faute administrative avant d’examiner la rigueur de l’exigence d’un lien de causalité direct.
I. La caractérisation d’une faute administrative née d’une promesse illégale
A. L’induction en erreur de l’agent par un acte réglementaire vicié
Les juges parisiens confirment qu’une commune commet une faute en adoptant une délibération accordant une indemnité en dehors de tout cadre statutaire légalement défini. L’arrêt souligne que la collectivité « a induit en erreur et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité » en proposant ce dispositif financier. Cette faute de nature à engager la responsabilité publique repose sur la création d’une espérance légitime déçue par l’intervention nécessaire du contrôle de légalité.
L’administration ne peut promettre des avantages financiers contraires aux règles d’ordre public sans s’exposer à une condamnation pour le trouble causé aux administrés de bonne foi. La reconnaissance de ce fait générateur de responsabilité protège l’agent contre les conséquences dommageables des décisions illégales prises par son propre employeur public.
B. La protection limitée de la confiance légitime face au principe de légalité
Le juge rappelle toutefois qu’une délibération illégale « n’ayant pu […] lui conférer aucun droit à indemnité », l’intéressé ne peut exiger l’exécution d’une promesse viciée. La solution protège la hiérarchie des normes en empêchant qu’une promesse dépourvue de base juridique solide ne contraigne les finances d’une personne morale publique. L’indemnisation reste théoriquement possible mais elle exige la démonstration d’un préjudice distinct de la simple perte du bénéfice de l’acte illégal lui-même.
La méconnaissance des règles statutaires par la commune interdit au requérant de se prévaloir d’un droit acquis au versement d’une prime de départ volontaire. La responsabilité administrative est ici admise dans son principe alors que le dommage réparable semble exclu par la nature même de l’acte créateur d’illusion.
II. L’absence de lien de causalité direct entre la faute et les préjudices
A. Le caractère non déterminant de l’indemnité sur la décision de départ
La Cour affirme qu’il « ne résulte pas de l’instruction que sa demande de mise à la retraite anticipée avait pour cause déterminante l’engagement de la commune ». L’absence de lien de causalité direct et certain constitue le fondement principal du rejet de l’indemnisation des préjudices matériels et moraux revendiqués. Le requérant échoue à démontrer que son choix de quitter ses fonctions résultait exclusivement de la perspective de percevoir l’indemnité de départ promise.
L’engagement fautif de l’administration doit être la cause exclusive ou prépondérante du dommage invoqué pour que le droit à réparation soit effectivement reconnu par le juge. La Cour administrative d’appel exerce ici un contrôle strict sur les motivations réelles de l’agent public au moment de sa demande de cessation d’activité.
B. L’obligation de diligence de l’administré pour limiter son propre dommage
L’arrêt relève que l’intéressé « n’a pas demandé au maire […] de retirer l’arrêté » prononçant sa mise à la retraite après avoir pris connaissance du refus. Cette passivité administrative rompt définitivement le lien de causalité puisque l’agent pouvait légalement rester en activité jusqu’à l’âge de soixante ans. La juridiction impose ainsi une forme de diligence à la victime qui doit tenter de limiter son dommage lorsque les circonstances le permettent.
Le rejet de la requête illustre la sévérité du juge administratif envers les requérants n’ayant pas épuisé les voies de droit pour régulariser leur propre situation. La faute de la commune demeure certes réelle mais elle ne saurait couvrir les conséquences d’un départ volontaire maintenu malgré la connaissance de l’illégalité.