Cour d’appel administrative de Paris, le 19 mars 2025, n°23PA05405

La Cour administrative d’appel de Paris, le 19 mars 2025, précise l’application du régime d’imposition forfaitaire prévu par l’article 123 bis du code général des impôts. Des contribuables domiciliés fiscalement en France détenaient des participations dans un trust et une société établis aux îles Caïmans et à Guernesey. L’administration a soumis les revenus de ces entités à l’impôt sur le revenu selon les modalités forfaitaires pour les années 2006 à 2011. Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu par un jugement du 8 novembre 2023. Les requérants ont alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Paris afin d’obtenir l’annulation de cette décision et la décharge des impositions. Les contribuables soutiennent que l’existence de conventions d’assistance administrative faisait obstacle à l’application du forfait pour l’ensemble de la période litigieuse. Le litige porte sur l’applicabilité temporelle des accords d’échange de renseignements fiscaux et sur la preuve du montant réel des revenus perçus à l’étranger. L’étude de cette décision nécessite d’analyser d’abord l’influence des conventions internationales sur les modalités d’imposition, puis les exigences probatoires pesant sur le contribuable.

I. L’incidence des conventions d’assistance administrative sur le mode d’imposition

A. L’éviction du forfait par l’entrée en vigueur des accords d’échange

L’article 123 bis dispose que le revenu imposable ne peut être inférieur au produit de l’actif net par un taux d’intérêt légal. Toutefois, cette règle est réservée aux organismes établis dans un État n’ayant pas conclu de convention d’assistance administrative avec la France. La Cour relève que les accords signés avec Guernesey et les îles Caïmans sont entrés en vigueur au cours de l’année 2010. Ces textes s’appliquent immédiatement aux affaires fiscales pénales pour les obligations naissant à compter de leur date d’entrée en vigueur respective. L’administration ne pouvait donc légalement recourir au calcul forfaitaire pour les revenus des années 2010 et 2011, ce qui entraîne la décharge partielle.

B. Le maintien de l’imposition forfaitaire pour les périodes antérieures aux accords

Pour les années 2006 à 2009, la Cour administrative d’appel de Paris confirme que les conventions internationales n’étaient pas encore applicables. Le juge estime que l’administration fiscale pouvait valablement calculer la base d’imposition des contribuables en effectuant le produit des avoirs détenus. Cette méthode s’applique dès lors que l’actif de l’organisme étranger est principalement constitué de valeurs mobilières ou de créances à long terme. L’administration n’a commis aucune irrégularité en retenant comme base de calcul les avoirs du trust et non ceux de la société sous-jacente. Si le cadre conventionnel limite les pouvoirs de l’administration, le contribuable demeure soumis à des contraintes de preuve exigeantes pour les autres périodes.

II. Les limites à la contestation du revenu forfaitaire et des avoirs étrangers

A. La rigueur de la preuve du revenu réel face à la présomption fiscale

Le Conseil Constitutionnel a émis une réserve d’interprétation permettant au contribuable d’apporter la preuve que le revenu réellement perçu est inférieur au forfait. Cette faculté vise à éviter une atteinte disproportionnée au principe d’égalité devant les charges publiques, conformément à la décision du 1er mars 2017. Les requérants ont produit des tableaux en langue anglaise et des liasses fiscales reconstituées sans fournir les éléments comptables justificatifs nécessaires. Le juge administratif considère que ces documents ne permettent pas de relier précisément les résultats affichés à l’entité dont les intéressés étaient bénéficiaires. En conséquence, les contribuables n’établissent pas que le revenu réel était inférieur au revenu défini forfaitairement par les services fiscaux.

B. La validité de la procédure de taxation d’office des avoirs non déclarés

Concernant l’année 2012, l’administration a sollicité des justifications sur le fondement de l’article L. 16 du livre des procédures fiscales. La demande désignait avec suffisamment de précisions les avoirs détenus directement ou indirectement par les structures établies à l’étranger. L’absence de réponse relative au transfert de fonds vers un compte britannique justifie la mise en demeure puis la taxation d’office. Le contribuable ne peut utilement invoquer l’absence de revenus réels pour contester une imposition établie forfaitairement sur le montant des avoirs. Par conséquent, la Cour prononce la décharge des impositions pour les années 2010 et 2011 mais rejette le surplus de la requête.

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Hassan KOHEN
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