Par un arrêt rendu le 19 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a statué sur les conséquences fiscales liées à l’usage de factures fictives. Une société exerçant une activité de terrassement a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos entre 2015 et 2017. L’administration a remis en cause la déduction de charges et de taxe sur la valeur ajoutée afférentes à trente-deux factures jugées dépourvues de réalité. Le tribunal administratif de Melun ayant rejeté sa demande de décharge le 21 décembre 2023, la requérante a interjeté appel devant la juridiction parisienne. La question posée portait sur la régularité de la procédure d’imposition, la preuve du caractère fictif des prestations et l’imputabilité d’une amende spécifique. La Cour confirme le bien-fondé des rappels d’impôts mais annule la pénalité pour défaut de preuve de la maîtrise de l’émission des factures. Il convient d’examiner d’abord la validation du redressement fiscal avant d’analyser l’infirmation de la sanction relative à l’émission des factures.
**I. La validation du redressement fiscal fondé sur l’absence de réalité des prestations**
Le juge administratif écarte d’abord les moyens de forme avant de confirmer que les indices recueillis par le service établissent le caractère fictif des opérations.
**A. Le rejet de l’irrégularité procédurale relative à l’avis de mise en recouvrement**
La requérante contestait la régularité de l’avis de mise en recouvrement en raison d’une mention erronée concernant la nature exacte de l’amende appliquée. La Cour administrative d’appel de Paris relève toutefois que cet acte faisait expressément référence à la proposition de rectification et à la réponse aux observations. Ces documents informatifs permettaient au contribuable de déterminer précisément la nature de l’unique amende recouvrée malgré l’erreur matérielle commise par l’administration fiscale. Le juge considère que cette imprécision « n’a pas privé la société de la possibilité de contester utilement sa mise en recouvrement » conformément aux prescriptions législatives. Cette solution privilégie ainsi une approche concrète de l’information du contribuable sur le formalisme rigide de l’avis de mise en recouvrement initial.
**B. La caractérisation de la fictivité par un faisceau d’indices concordants**
Sur le fond, l’administration doit établir que les factures ne correspondent pas à des opérations réelles lorsque le fournisseur est régulièrement inscrit au registre du commerce. Le service a relevé ici que les paiements n’avaient jamais profité au prestataire désigné mais à des tiers liés au gérant de la société. Les prestations de maçonnerie litigieuses n’avaient fait l’objet d’aucune refacturation aux clients finaux et aucun justificatif d’emplacement des travaux n’était produit. La Cour juge que ces éléments constituent des indices suffisants pour considérer que « les factures en cause présentaient un caractère fictif » justifiant le rappel d’impôt. La requérante, échouant à apporter des justifications utiles sur la réalité des travaux, voit donc le redressement en base confirmé par les magistrats.
Après avoir validé les rectifications portant sur l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour censure toutefois l’application de l’amende fiscale.
**II. L’infirmation de la sanction pour défaut d’imputation de l’émission des factures**
L’annulation de la pénalité repose sur une application stricte des règles de preuve concernant l’identité du véritable émetteur des factures litigieuses.
**A. Le rappel de la présomption de délivrance par le scripteur apparent**
L’article 1737 du code général des impôts sanctionne par une amende de 50 % le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une réalité. La Cour rappelle que « la personne dont le nom figure sur une facture est présumée être celle qui l’a délivrée » devant le juge. Cette présomption peut être combattue si l’administration démontre qu’une autre entité a en réalité assuré la maîtrise de l’émission de ces documents fictifs. La charge de la preuve de cette substitution incombe alors exclusivement au service qui entend sanctionner le bénéficiaire des prestations plutôt que leur scripteur. Cette règle protège le contribuable contre une extension automatique de la responsabilité pénale ou fiscale du simple fait de la réception d’une facture.
**B. L’insuffisance de la preuve de la maîtrise de l’émission par le bénéficiaire**
Dans cette affaire, l’administration se bornait à invoquer l’intérêt financier de la requérante et l’encaissement des fonds par des proches de son dirigeant social. Le juge souligne que le prestataire prétendu n’était pas encore en liquidation judiciaire au moment de la rédaction des pièces comptables remises en cause. Ces seules circonstances ne permettent pas d’établir que la société cliente était la véritable émettrice des factures en lieu et place du fournisseur nommé. En conséquence, la Cour administrative d’appel de Paris décide que la requérante est fondée à obtenir la décharge de l’amende mise à sa charge. Le jugement du tribunal administratif de Melun est donc réformé sur ce point précis tout en confirmant le surplus des impositions supplémentaires réclamées.