Cour d’appel administrative de Paris, le 2 avril 2025, n°24PA02539

La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 2 avril 2025, se prononce sur la régularité d’un jugement relatif à une mesure d’éloignement. Un ressortissant étranger, présent en France depuis son enfance, contestait une obligation de quitter le territoire sans délai assortie d’une interdiction de retour. La juridiction de premier ressort avait rejeté sa demande en se fondant sur des pièces produites par l’administration mais non transmises au requérant. La Cour devait déterminer si cette omission constituait une méconnaissance du principe du contradictoire justifiant l’annulation de la décision de première instance. Elle annule le jugement attaqué pour irrégularité procédurale tout en décidant de statuer immédiatement sur le fond du litige par la voie de l’évocation.

**I. La sanction de l’irrégularité procédurale du premier juge**

**A. Le respect impératif du caractère contradictoire de l’instruction** Le juge d’appel rappelle les dispositions du code de justice administrative concernant la communication nécessaire des mémoires et des pièces entre les parties. Il constate que l’autorité administrative n’a pas produit de mémoire en défense mais a versé plusieurs pièces au dossier peu avant l’audience. Selon les termes de la décision, « il appartenait dès lors au tribunal de les communiquer au requérant » afin de respecter les exigences légales. En s’abstenant de procéder à cette transmission, le premier juge a empêché le requérant de discuter utilement des éléments de preuve apportés. La Cour souligne qu’en s’appuyant sur ces documents pour rejeter la demande, le tribunal a méconnu les garanties destinées à « garantir le caractère contradictoire de l’instruction ». Cette solution réaffirme que la communication des éléments nouveaux est une condition essentielle de la validité d’une procédure juridictionnelle administrative.

**B. Le recours à la technique de l’évocation par la Cour** Après avoir prononcé l’annulation du jugement, la Cour choisit de ne pas renvoyer l’affaire devant la juridiction inférieure pour un nouvel examen. Elle utilise son pouvoir d’évocation pour statuer elle-même sur les conclusions tendant à l’annulation des actes administratifs contestés par le requérant. Cette démarche permet de répondre aux impératifs de bonne administration de la justice et de célérité dans le traitement des contentieux des étrangers. La Cour examine directement les moyens soulevés, notamment celui tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte et du défaut de motivation. Elle écarte ces griefs en relevant que le signataire bénéficiait d’une délégation régulière et que les décisions précisaient les « considérations de droit et de fait ». L’évocation place ainsi le juge d’appel dans la position d’un juge du premier et dernier ressort pour l’examen de la légalité.

**II. La primauté de l’ordre public sur l’ancienneté du séjour**

**A. La conciliation délicate entre vie privée et sécurité publique** Le requérant invoquait les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme pour contester la mesure d’éloignement dont il faisait l’objet. Bien que l’intéressé réside sur le territoire depuis son plus jeune âge, la Cour tempère l’importance accordée à cette stabilité géographique. Elle observe que l’intéressé est « défavorablement connu des forces de police depuis 2013 » pour une multitude de faits délictueux graves et répétés. La décision énumère des cambriolages, des violences volontaires ainsi que des infractions liées à la législation sur les stupéfiants commises sous plusieurs identités. Le juge estime que l’administration « n’a pas porté une atteinte disproportionnée » au droit au respect de la vie privée compte tenu de cette menace. La protection de la sûreté publique et la prévention des infractions pénales justifient ici l’éviction d’un résident de longue date.

**B. La légalité rigoureuse des mesures de sûreté complémentaires** L’arrêt valide également le refus d’accorder un délai de départ volontaire en se fondant sur le comportement menaçant du ressortissant étranger concerné. La Cour note que l’intéressé s’était déjà « soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement » intervenue au cours des années précédentes. Le risque de soustraction à la nouvelle décision est ainsi regardé comme établi, justifiant une exécution forcée et immédiate de l’obligation de quitter. Concernant l’interdiction de retour sur le territoire français, le juge confirme la durée de deux ans fixée par l’autorité administrative compétente. Il considère que cette mesure n’est pas entachée d’une erreur d’appréciation au regard de la « menace à l’ordre public que constitue son comportement ». L’ensemble des conclusions du requérant est finalement rejeté, confirmant la sévérité du contrôle juridictionnel face à la réitération de faits criminels.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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