La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 20 décembre 2024, une décision relative au refus de délivrance d’un titre de séjour. Un ressortissant étranger contestait le rejet de sa demande d’admission exceptionnelle au séjour ainsi que l’obligation de quitter le territoire français prise le 17 janvier 2023. L’intéressé soutenait résider en France depuis plus de dix ans et invoquait des attaches privées ainsi qu’une insertion professionnelle grandissante. Le tribunal administratif de Paris avait rejeté sa demande initiale par un jugement du 13 décembre 2023 dont le requérant a interjeté appel. Le litige portait principalement sur le défaut de saisine de la commission du titre de séjour et sur l’erreur manifeste d’appréciation du préfet. Le requérant affirmait que sa présence continue imposait la consultation préalable de cet organisme consultatif avant toute décision négative. La juridiction d’appel devait déterminer si les pièces produites suffisaient à établir une résidence habituelle de dix ans justifiant la saisine obligatoire. Les juges ont considéré que les documents fournis ne démontraient qu’une présence intermittente sur le territoire national durant la période de référence. La Cour a donc validé la procédure préfectorale en soulignant l’absence de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires probants. L’examen de cette décision met en lumière l’exigence probatoire rigoureuse de la résidence habituelle (I) ainsi que la mise en œuvre encadrée de l’admission exceptionnelle au séjour (II).
I. L’exigence probatoire rigoureuse de la résidence habituelle
A. L’insuffisance des preuves de présence intermittente
La Cour administrative d’appel rappelle que la preuve d’une présence habituelle de dix ans repose sur une appréciation globale des pièces versées au dossier. Le requérant produisait des avis d’imposition néant, des ordonnances médicales ainsi que des bordereaux de transferts de fonds vers son pays d’origine. La juridiction estime que ces éléments « sont insuffisamment probants pour établir une résidence habituelle » car ils ne couvrent pas l’intégralité de la période. Les magistrats soulignent que la possession d’une carte d’aide médicale d’État ne suffit pas à caractériser une insertion stable ou une continuité de séjour. La décision précise que des documents ponctuels, même s’ils sont nombreux, ne sauraient compenser l’absence de preuves pour certaines années de présence alléguée. Cette exigence de continuité temporelle renforce le pouvoir de contrôle de l’administration sur la réalité du parcours de l’étranger demandeur.
B. L’écartement corollaire de la saisine de la commission du titre de séjour
L’autorité administrative n’est tenue de saisir la commission du titre de séjour que si la condition de résidence habituelle de dix ans est remplie. Le juge administratif confirme ici que l’absence de démonstration d’une présence continue dispense le préfet de cette formalité procédurale protectrice des droits. La Cour écarte le moyen tiré du vice de procédure puisque le seuil temporel fixé par le code de l’entrée et du séjour n’est pas atteint. Cette solution jurisprudentielle évite une automaticité de la consultation qui paralyserait l’action préfectorale face à des dossiers aux preuves lacunaires ou simplement intermittentes. L’interprétation stricte des dispositions législatives permet de réserver l’avis de la commission aux situations de présence durablement ancrées sur le sol français. La décision affirme ainsi la primauté de la matérialité des faits sur les simples déclarations ou sur les engagements associatifs récents du requérant.
II. La mise en œuvre encadrée de l’admission exceptionnelle au séjour
A. L’articulation entre l’accord bilatéral et le droit commun
L’arrêt précise les modalités d’application de l’accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 en lien avec les dispositions du code national de l’entrée. Les stipulations conventionnelles renvoient directement à la législation française pour ce qui concerne l’admission exceptionnelle au séjour pour des motifs humanitaires ou exceptionnels. Le préfet doit donc examiner la demande au regard des critères fixés par l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. La Cour vérifie que l’activité professionnelle exercée par l’intéressé correspond aux métiers listés dans l’annexe de l’accord bilatéral précité pour une mention salariée. Elle constate que le métier de vendeur dans un magasin de couture n’ouvre pas droit à une régularisation automatique sur ce fondement juridique spécifique. Ce rappel textuel souligne la hiérarchie des normes et la nécessité pour le demandeur de s’inscrire dans les cadres prévus par les conventions.
B. L’appréciation souveraine du préfet sur les motifs humanitaires
Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur l’appréciation des motifs exceptionnels invoqués par les ressortissants étrangers lors de leurs demandes de régularisation. Dans cette espèce, le requérant était célibataire, sans charge de famille sur le territoire et disposait d’un contrat de travail postérieur à l’arrêté contesté. La Cour juge que l’intéressé « ne justifie ni de considérations humanitaires, ni de motifs exceptionnels » permettant de déroger aux conditions ordinaires de séjour. L’absence d’atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale est également relevée au regard de l’article 8 de la convention. L’éloignement vers le pays d’origine ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation compte tenu de l’âge d’entrée et de la faiblesse des attaches locales. Cette décision confirme la rigueur de l’examen judiciaire face aux demandes de titre de séjour fondées sur la seule durée de présence sur le territoire.