Par un arrêt du 20 juin 2025, la Cour administrative d’appel a statué sur la légalité d’une décision administrative mettant fin aux fonctions d’un agent contractuel d’une collectivité territoriale.
En l’espèce, un agent avait été recruté par une commune par un contrat à durée déterminée d’un an à compter du 1er décembre 2017. Ce contrat, conclu sur le fondement de l’article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984 pour faire face à une vacance temporaire d’emploi, fut renouvelé à deux reprises, portant la durée totale de l’engagement à trois ans. Par une décision du 1er octobre 2020, la commune a informé l’agent que son contrat, arrivant à échéance le 30 novembre 2020, ne serait pas renouvelé. L’agent a saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation de cette décision. Par un jugement du 27 février 2024, le tribunal a rejeté sa demande. L’agent a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant que la décision contestée constituait en réalité un retrait illégal de son contrat, ou subsidiairement un non-renouvellement entaché de vices de procédure et d’une erreur manifeste d’appréciation.
La question de droit soumise aux juges d’appel consistait donc à déterminer si la décision de ne pas poursuivre la relation contractuelle au-delà du terme prévu pour un agent dont l’engagement excédait déjà la durée maximale autorisée par la loi devait s’analyser comme un non-renouvellement et, dans l’affirmative, si cet agent pouvait se prévaloir des garanties procédurales normalement applicables.
La Cour administrative d’appel rejette la requête. Elle juge que la décision de mettre fin à la relation de travail à l’échéance du contrat constitue bien un non-renouvellement et non un retrait. Elle ajoute que, les contrats de l’agent ayant été conclus pour une durée totale excédant la limite légale de deux ans prévue pour ce type d’emploi, son dernier contrat n’était pas susceptible d’être légalement renouvelé. Par conséquent, l’administration n’était tenue ni de le faire précéder d’un entretien préalable, ni d’examiner la manière de servir de l’agent, rendant les moyens soulevés par ce dernier inopérants.
Cette décision conduit à examiner la qualification retenue par le juge et ses conséquences sur les garanties procédurales (I), avant d’analyser comment l’illégalité de la durée du contrat a privé l’agent des protections qu’il invoquait (II).
***
I. Une qualification stricte de la décision emportant une exclusion des garanties procédurales afférentes au retrait
La Cour administrative d’appel fonde son raisonnement sur une qualification juridique précise de la décision attaquée (A), ce qui lui permet d’écarter logiquement l’application de l’ensemble des garanties procédurales qui auraient été attachées à une autre qualification (B).
A. Le rejet de la qualification de retrait de l’acte
Le requérant soutenait que la décision du 1er octobre 2020 constituait un retrait de son contrat en cours. La Cour écarte fermement cette analyse en se fondant sur une lecture factuelle des effets de la décision. Elle constate que « si le contrat de [l’agent], conclu le 30 novembre 2019, n’a pas été renouvelé à son échéance, le 30 novembre 2020, l’intéressé a travaillé pour la commune […] jusqu’à cette date ». Cette approche pragmatique permet de distinguer clairement le non-renouvellement, qui est une décision de ne pas prolonger une relation contractuelle au-delà de son terme, du retrait ou de l’abrogation, qui mettent fin à un contrat de manière anticipée.
En l’espèce, l’acte administratif contesté n’a produit ses effets qu’à la date d’échéance du contrat. L’agent a continué d’exercer ses fonctions et de percevoir sa rémunération jusqu’au dernier jour prévu par son engagement. La Cour en déduit sans ambiguïté que « la décision contestée consiste en un non-renouvellement de son contrat et non, comme le soutient le requérant, en un retrait ou en une abrogation de ce contrat ». Cette qualification est essentielle car elle détermine le régime juridique applicable à la décision et, par conséquent, les obligations procédurales pesant sur l’administration.
B. L’inopérance des garanties attachées à la procédure de retrait
Une fois la qualification de non-renouvellement établie, la Cour tire les conséquences logiques de cette analyse en déclarant inopérants les moyens fondés sur l’hypothèse d’un retrait. Le requérant invoquait notamment l’absence de procédure de reclassement, le défaut d’information sur son droit à consulter son dossier, une motivation insuffisante et la méconnaissance des règles de retrait des décisions créatrices de droits. Or, ces garanties sont spécifiquement prévues dans le cadre de procédures de licenciement pour inaptitude physique ou de suppression d’emploi, ou encore pour le retrait d’actes administratifs.
En affirmant que ces moyens « ne peuvent être utilement invoqués à l’encontre de la décision contestée », la Cour rappelle une règle fondamentale du contentieux administratif : les garanties procédurales ne sont exigibles que dans le cadre juridique qui les prévoit. Le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée obéit à un régime propre, distinct de celui du retrait d’acte ou du licenciement. Ainsi, en confirmant la qualification de non-renouvellement, le juge administratif ferme la porte à toute une série de contestations qui, bien que pertinentes dans d’autres contextes, se révèlent ici sans fondement.
***
II. La neutralisation des garanties de l’agent par l’illégalité de la relation contractuelle
Après avoir écarté les arguments liés à la qualification de retrait, la Cour examine les moyens propres au non-renouvellement et les rejette en se fondant sur l’impossibilité légale de prolonger le contrat (A), ce qui justifie la décision de l’administration et rend sans objet l’examen de la valeur professionnelle de l’agent (B).
A. L’exclusion de l’entretien préalable en l’absence de possibilité de renouvellement
Le requérant soutenait que la décision de non-renouvellement aurait dû être précédée d’un entretien préalable, conformément à l’article 38-1 du décret du 15 février 1988. Cette disposition impose en effet une telle formalité lorsque le contrat est susceptible d’être reconduit. La Cour analyse alors la situation juridique du contrat de l’agent au regard de son fondement légal, à savoir l’article 3-2 de la loi du 26 janvier 1984, qui limite à deux ans la durée totale des contrats destinés à pallier la vacance temporaire d’un emploi.
Or, la Cour relève que « les contrats de [l’agent] ont été conclus pour pallier la vacance temporaire d’un emploi […] Ces contrats totalisant une durée supérieure à deux ans, le contrat conclu le 30 novembre 2019 n’était pas susceptible d’être renouvelé en application de ces dispositions ». Le raisonnement du juge est implacable : la garantie de l’entretien préalable n’a lieu d’être que si un renouvellement est juridiquement envisageable. Dans le cas présent, la poursuite de la relation contractuelle aurait constitué une violation de la loi. Par conséquent, l’entretien, qui a pour objet de permettre à l’agent de discuter de l’éventualité d’un renouvellement, devenait sans objet. La décision de non-renouvellement n’était plus une faculté pour l’administration mais une obligation.
B. Une décision légalement contrainte rendant inopérante l’erreur d’appréciation
Enfin, l’agent invoquait une erreur manifeste d’appréciation de sa manière de servir. Cet argument, classique en matière de non-renouvellement, vise à contester le bien-fondé de la décision de l’administration en démontrant que la valeur professionnelle de l’agent ne justifiait pas une telle mesure. Cependant, la Cour déclare ce moyen inopérant en se fondant sur la même logique que pour l’entretien préalable. Puisque le renouvellement du contrat était légalement impossible, la décision de l’administration n’était pas fondée sur une appréciation de la manière de servir de l’agent, mais sur la nécessité de se conformer à la loi.
La Cour souligne ainsi que « le moyen tiré de ce qu’elle serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la manière de servir de [l’agent] […] ne peut être utilement invoqué à son encontre ». En d’autres termes, que l’agent ait été méritant ou non importait peu, car l’administration n’avait d’autre choix que de mettre fin à une situation contractuelle devenue irrégulière. La décision n’étant pas discrétionnaire, le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation, qui porte sur l’exercice d’un pouvoir de choix, ne pouvait trouver à s’appliquer. La légalité externe de la situation a ainsi primé sur toute considération de fond relative à la personne de l’agent.