Cour d’appel administrative de Paris, le 20 juin 2025, n°24PA03924

La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 20 juin 2025, une décision portant sur la légalité d’une mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance. Cet arrêt précise les conditions d’application du code de la sécurité intérieure pour prévenir la commission d’actes terroristes par des individus présentant une menace particulière. Par un arrêté du 21 juin 2024, le ministre de l’intérieur a imposé à la requérante une interdiction de sortie de sa commune et une obligation de présentation quotidienne. Le tribunal administratif de Melun a rejeté, par un jugement du 23 août 2024, la demande d’annulation formée par l’intéressée contre cette décision administrative contraignante. L’appelante soutient que les faits reprochés sont anciens et que les mesures portent une atteinte disproportionnée à sa vie privée ainsi qu’à l’intérêt de ses enfants. La question posée aux juges concerne la réalité d’une menace actuelle et la proportionnalité des restrictions de liberté face aux impératifs de la sécurité publique. L’analyse du faisceau d’indices caractérisant la menace terroriste précède l’examen de la conciliation opérée par le juge entre les libertés individuelles et l’ordre public.

**I. L’objectivation de la menace terroriste par le faisceau d’indices**

**A. La caractérisation d’une menace d’une particulière gravité**

L’administration fonde sa décision sur des notes des services de renseignement décrivant l’implication de la requérante dans un environnement radicalisé durant plusieurs années consécutives. Le code de la sécurité intérieure exige des « raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ». Les juges relèvent que l’intéressée a contracté des mariages religieux avec des individus signalés pour leur engagement au sein d’organisations terroristes ou d’associations dissoutes. Ces éléments biographiques constituent des indices matériels précis que la requérante ne conteste pas sérieusement lors de l’instruction contradictoire devant la juridiction d’appel. La cour administrative d’appel de Paris estime que ces liens passés avec des combattants ou des recruteurs djihadistes justifient une vigilance accrue de la part des autorités. L’absence de condamnation pénale antérieure n’interdit pas au ministre de prendre des mesures préventives fondées sur l’existence d’un péril imminent pour la société.

**B. L’absence de rupture avérée avec l’environnement radical**

La légalité de la mesure dépend également de l’adhésion à des thèses incitant au terrorisme ou de liens habituels avec des personnes facilitant de tels actes. La requérante affirme avoir pris ses distances avec ses anciens époux, mais elle ne démontre pas une rupture réelle avec l’ensemble de la mouvance pro-djihadiste. Les juges soulignent qu’elle a maintenu des relations avec des femmes acquises à cette cause et scolarisé ses enfants dans un établissement dirigé par un militant salafiste. La décision précise qu’elle n’établit pas avoir « engagé une rupture ou une prise de distance avec l’environnement acquis à la cause djihadiste au sein duquel elle a évolué ». Cette continuité dans les fréquentations permet à l’autorité administrative de considérer que le risque de passage à l’acte demeure persistant au moment de l’arrêté. La preuve de la menace repose ainsi sur la sédimentation de contacts suspects que de simples allégations de changement de vie ne suffisent pas à écarter. La persistance de ce risque sécuritaire conditionne alors l’étendue des restrictions imposées à la liberté d’aller et venir de l’intéressée.

**II. La conciliation proportionnée entre sécurité publique et libertés individuelles**

**A. Le contrôle de la nécessité des restrictions de circulation**

Les obligations de se présenter quotidiennement au commissariat et de demeurer dans un périmètre géographique restreint constituent des atteintes sérieuses aux libertés constitutionnelles de circulation. Le juge administratif exerce un contrôle de proportionnalité pour vérifier que ces mesures sont strictement nécessaires aux buts de prévention du terrorisme poursuivis par l’État. La cour administrative d’appel de Paris note que le périmètre communal permet néanmoins de « poursuivre une vie familiale et professionnelle » conformément aux prescriptions légales en vigueur. La requérante n’apporte pas de preuves tangibles montrant que l’obligation de pointage ou la limitation géographique empêcheraient l’exercice normal de l’autorité parentale définie par le juge judiciaire. Les refus ponctuels d’autorisations de sortie pour des vacances ne sont pas jugés illégaux dès lors qu’ils reposent sur l’évaluation globale du danger potentiel. La protection des droits fondamentaux est ainsi mise en balance avec la nécessité impérieuse de surveiller un profil dont la radicalisation est jugée profonde.

**B. La prévalence de l’impératif sécuritaire dans un contexte d’exception**

L’appréciation de la proportionnalité de la mesure s’inscrit également dans le contexte temporel de la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques sur le territoire français. La cour administrative d’appel de Paris valide la décision en tenant compte du « caractère temporaire de la mesure ainsi que du contexte de la tenue » de cet événement. La concentration de foules et l’exposition internationale de la capitale augmentent mécaniquement le niveau de menace terroriste que l’État doit impérativement contenir par des moyens préventifs. Les juges considèrent que l’intérêt supérieur des enfants, bien que protégé par les conventions internationales, ne saurait primer sur la sécurité générale de la population civile. Le détournement de pouvoir est écarté car l’acte administratif vise exclusivement la préservation de l’ordre public face à un risque de commission d’actes violents. La décision confirme ainsi la primauté de la défense sociale lorsque les indices de dangerosité individuelle sont corroborés par une analyse minutieuse de l’environnement de la personne.

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Hassan KOHEN
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