La cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 20 mai 2025, se prononce sur la responsabilité d’un établissement public de santé. Un patient a subi l’ablation d’une prothèse pénienne puis a présenté des complications infectieuses graves après son départ du service des urgences hospitalières. Le tribunal administratif de Paris, saisi en première instance, a condamné l’établissement à indemniser partiellement le requérant par un jugement du 20 avril 2023. Le patient a interjeté appel afin d’obtenir la réparation intégrale des préjudices liés à une infection nosocomiale et à un défaut d’information préalable. Le litige soulève la question de la qualification juridique des germes contractés et de l’existence d’une faute dans le suivi médical postopératoire. Les juges d’appel retiennent la responsabilité hospitalière en raison d’une infection au décours des soins et d’une défaillance dans la transmission des résultats d’analyses. L’examen du raisonnement de la juridiction permet d’analyser la caractérisation de la faute médicale avant d’étudier la consécration du préjudice moral d’impréparation.
I. La caractérisation d’une responsabilité hospitalière pour faute et risque
A. La reconnaissance d’une infection de nature nosocomiale
La juridiction rappelle que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. Dans cette espèce, les prélèvements effectués lors de la seconde hospitalisation ont révélé la présence de germes distincts de ceux identifiés lors de l’admission initiale. L’arrêt précise que l’établissement public « n’apporte aucun élément de nature à établir que cette infection (…) serait due à une cause étrangère » à la prise en charge. Le faible délai séparant les deux hospitalisations permet aux juges de confirmer le caractère nosocomial de la pathologie contractée au décours de l’intervention chirurgicale. Cette solution protège efficacement les usagers contre les risques endogènes et exogènes inhérents aux activités de soins pratiquées au sein des structures médicales.
B. La sanction d’une défaillance dans le suivi postopératoire
La responsabilité de l’établissement de santé est également engagée en raison d’une faute caractérisée dans l’organisation du suivi thérapeutique après l’explantation de la prothèse. Bien que l’acte chirurgical initial ait été réalisé conformément aux données acquises de la science, les résultats biologiques n’ont pas été communiqués au patient. La cour relève que cette absence de contact pour instaurer une antibiothérapie justifiée par les analyses constitue une faute de nature à engager la responsabilité. L’arrêt souligne que cette « défaillance dans la prise en charge du décours de l’intervention chirurgicale (…) est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité ». La continuité des soins n’a pas été assurée correctement, ce qui a directement provoqué une dégradation brutale de l’état de santé physique du requérant. Cette défaillance technique se double d’une carence informationnelle portant atteinte aux droits fondamentaux du patient lors de sa prise en charge.
II. La consécration du droit à l’information et du préjudice d’impréparation
A. Le constat d’un manquement à l’obligation légale d’information
Le code de la santé publique dispose que toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé et sur les risques prévisibles. Les juges observent que, si la nécessité de l’explantation était établie, le patient n’avait pas reçu d’informations précises quant aux risques d’infections postopératoires. L’arrêt énonce qu’il « appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée » conformément aux dispositions législatives. Faute de produire une telle preuve, l’établissement commet une faute engageant sa responsabilité pour la perte de chance de se soustraire au risque médical. Cette obligation d’information constitue un pilier de la relation de confiance entre le praticien et son patient au sein du service public hospitalier.
B. L’indemnisation autonome de la souffrance morale d’impréparation
Le défaut d’information ouvre droit à la réparation des troubles subis du fait de l’impossibilité pour le patient de se préparer psychologiquement aux complications. La cour administrative d’appel de Paris applique la présomption de préjudice moral lorsque les risques se réalisent sans que l’intéressé n’en ait été préalablement averti. L’arrêt précise que « la souffrance morale qu’il a endurée lorsqu’il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l’intervention doit être présumée ». Les juges allouent ainsi une somme de cinq cents euros au titre de ce préjudice d’impréparation, distincte de l’indemnisation relative aux souffrances physiques. La décision de réformation porte finalement l’indemnité globale à la somme de deux mille neuf cent soixante-dix-huit euros assortie des intérêts de droit.