La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision rendue le vingt et un mai deux mille vingt-cinq, apporte d’importantes précisions sur le contentieux du recouvrement fiscal. Un contribuable a sollicité l’annulation d’actes de poursuite et l’indemnisation d’un préjudice résultant d’une saisie conservatoire maintenue durant plusieurs années sur ses comptes bancaires.
Le tribunal administratif de Paris avait initialement rejeté les conclusions indemnitaires pour incompétence, estimant que l’action relevait exclusivement de la compétence de la juridiction judiciaire. La société requérante soutient devant la juridiction d’appel que le juge administratif est compétent pour connaître de la responsabilité de l’État dans l’exercice du recouvrement forcé.
La question posée au juge porte sur l’étendue de la compétence du juge de l’impôt en matière de responsabilité et sur la validité formelle des avis de recouvrement. La Cour administrative d’appel de Paris annule le jugement attaqué en affirmant la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les fautes commises lors du recouvrement.
I. La compétence confirmée du juge de l’impôt en matière de responsabilité
A. L’extension du bloc de compétence au contentieux indemnitaire La juridiction d’appel rappelle le principe selon lequel l’ordre de juridiction compétent pour la décharge d’une obligation de payer l’est aussi pour l’action en responsabilité. Elle énonce clairement que « l’ordre de juridiction compétent […] pour connaître d’une action en décharge […] l’est également pour connaître de l’action en responsabilité ».
Cette solution garantit une unité de contentieux bénéfique au justiciable en évitant l’éparpillement des recours entre les juges administratif et judiciaire lors d’un même litige. La responsabilité résultant de fautes commises dans l’engagement du recouvrement forcé d’un impôt relève donc de la compétence du juge administratif lorsqu’il juge l’impôt.
B. La distinction maintenue entre le recouvrement et les modalités d’exécution Le juge administratif opère une distinction nécessaire entre la décision d’engager les poursuites et les modalités techniques d’exécution forcée qui demeurent du ressort judiciaire. La société requérante critiquait l’absence de conversion d’une saisie conservatoire en saisie-attribution, grief que la cour écarte comme relevant des seules attributions du juge de l’exécution.
Cette limite respecte les dispositions du livre des procédures fiscales qui réservent au juge judiciaire la contestation de la régularité formelle des actes de poursuite matériels. Le juge administratif se déclare compétent pour la faute dans l’engagement du recouvrement, mais renvoie la contestation des modalités d’exécution devant les tribunaux judiciaires.
II. La validation de la régularité des actes et le rejet des prétentions indemnitaires
A. Le formalisme assoupli des titres de perception Le contribuable invoquait l’irrégularité de l’avis de mise en recouvrement en raison de l’absence de signature manuscrite de son auteur sur le document officiel reçu. Le juge écarte ce moyen en soulignant que ces actes sont dispensés de signature dès lors qu’ils comportent les mentions prévues par le code des relations publiques.
L’arrêt précise que les avis de mise en recouvrement ne sont pas des actes de poursuite mais des titres exécutoires authentifiant la créance de l’administration fiscale. Le respect des mentions relatives au nom, au prénom et à la qualité de l’auteur suffit pour garantir la régularité formelle de l’acte administratif contesté.
B. L’exigence de preuve d’un préjudice distinct du paiement de l’impôt La cour rejette les conclusions indemnitaires en soulignant que le préjudice allégué par la société requérante n’est pas suffisamment étayé par des pièces justificatives précises. Elle rappelle qu’une faute de l’administration peut engager sa responsabilité si elle a directement causé un préjudice, lequel « ne saurait résulter du seul paiement de l’impôt ».
La simple invocation d’une gêne financière ou de troubles dans les conditions d’existence ne suffit pas à établir la réalité d’un dommage réparable par l’État. Le juge administratif exige une démonstration concrète des conséquences matérielles des décisions prises par l’administration fiscale pour accorder une quelconque indemnisation financière au contribuable lésé.