Cour d’appel administrative de Paris, le 21 mai 2025, n°24PA00667

La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 21 mai 2025, un arrêt précisant les conditions du rejet d’une comptabilité tenue de manière informatisée. Un contribuable exerçant une activité de restauration a fait l’objet d’une vérification de comptabilité ayant conduit à des rappels d’impôt sur les sociétés.

L’administration a relevé des anomalies dans le logiciel de caisse, notamment concernant l’absence de journal des événements et des incohérences manifestes dans l’horodatage des tickets. Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge des impositions litigieuses par un jugement prononcé le 11 décembre 2023.

La société requérante soutient que sa comptabilité était sincère et critique la méthode de reconstitution de recettes utilisée par le service vérificateur en proposant une alternative. La juridiction d’appel doit déterminer si des irrégularités informatisées systématiques autorisent le rejet d’une comptabilité et comment s’opère le contrôle de la méthode de reconstitution.

Les magistrats confirment le jugement de première instance en estimant que l’administration apporte la preuve du caractère non probant des documents comptables présentés par l’entreprise. L’arrêt valide également l’application de la majoration de quatre-vingts pour cent prévue en cas de manœuvres frauduleuses suite à la manipulation délibérée des fichiers informatiques.

I. La remise en cause de la force probante d’une comptabilité informatisée altérée

A. Le constat d’anomalies techniques majeures dans le système de caisse

L’administration fiscale a identifié des défaillances graves au sein du logiciel de gestion utilisé par l’entreprise pour enregistrer ses recettes quotidiennes de restauration. Les données de caisse présentées lors du contrôle comportaient des dates de création très postérieures à la clôture des exercices, interdisant ainsi toute vérification fiable.

La cour souligne que « la modification des dates de référence était de nature à empêcher tout contrôle de l’absence de modification des sommes comptabilisées » par le service. L’absence partielle du journal des événements rendait impossible le recoupement entre les tickets émis et les montants réellement encaissés par le personnel de l’établissement.

B. La preuve du caractère non probant justifiant le rejet des écritures

Le juge administratif considère que le cumul de ces anomalies informatiques suffit à retirer toute valeur probante à la comptabilité présentée par la société requérante. Les explications techniques fournies par l’appelante, invoquant notamment un décalage horaire entre deux capitales, n’ont pas convaincu les magistrats sur la sincérité des écritures.

L’administration apporte la preuve de l’existence d’un caractère « systématique et substantiel de ces seules irrégularités affectant la comptabilité » pour justifier légalement le recours à une procédure de reconstitution. Cette décision confirme la rigueur exigée dans la conservation des données numériques qui doivent garantir l’intégrité et la traçabilité de chaque opération commerciale enregistrée.

II. L’encadrement de la reconstitution de recettes et la répression de la fraude

A. La validation des méthodes de reconstitution face à l’échec de la preuve contraire

Dès lors que la comptabilité est écartée, la charge de la preuve de l’exagération de l’imposition incombe au contribuable en raison de l’avis de la commission. L’administration a utilisé deux méthodes croisées fondées sur le nombre de couverts et le taux d’espèces constaté lors d’une procédure de visite et saisie.

La cour rejette la méthode alternative proposée par le contribuable au motif que les données comparatives issues d’un panel statistique ne sont pas suffisamment précises. Le requérant n’établit pas que la méthode retenue par le service serait « excessivement sommaire ou radicalement viciée » au regard des conditions réelles d’exploitation de son commerce.

B. La qualification souveraine des manœuvres frauduleuses par la manipulation de données

La juridiction d’appel maintient les pénalités pour manœuvres frauduleuses en raison de la volonté manifeste de masquer les suppressions et modifications opérées dans les fichiers. Les interventions techniques précises réalisées a posteriori sur les archives informatiques démontrent une intention délibérée d’égarer le service vérificateur dans l’exercice de son contrôle.

Les juges concluent que la manipulation des fichiers d’archives visait à mettre artificiellement en adéquation les données numériques avec une comptabilité qui dissimulait une partie des recettes. La preuve de l’intention frauduleuse est ainsi apportée par la matérialité des altérations logicielles destinées à restreindre le pouvoir de vérification de l’administration fiscale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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