La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 21 mai 2025, une décision précisant les conditions de légalité d’une mesure d’obligation de quitter le territoire.
Un ressortissant étranger, entré régulièrement en France en 2014, s’est maintenu sur le sol national sans titre de séjour après l’expiration de son visa. Interpellé en 2024, il a fait l’objet d’une mesure d’éloignement assortie d’une interdiction de retour pour une durée fixée à deux ans. Le tribunal administratif de Melun ayant rejeté son recours le 4 juillet 2024, le requérant soutient en appel une méconnaissance grave de sa vie privée. Les juges doivent trancher si une erreur de fait initiale et une insertion professionnelle durable peuvent faire obstacle à la mise en œuvre d’un renvoi. La Cour rejette la requête en confirmant la substitution de base légale et l’absence de liens familiaux suffisants pour écarter valablement l’arrêté de la préfète.
I. La validation d’une substitution de base légale malgré une erreur factuelle
A. La rectification du fondement juridique par le juge
Le juge d’appel admet la substitution de fondement juridique opérée par les premiers juges entre les situations d’entrée irrégulière et de maintien illégal. Cette procédure est permise car « cette substitution de base légale ne prive l’intéressé d’aucune garantie » fondamentale durant l’examen de sa demande. L’administration aurait pris la même décision puisque « l’administration dispose du même pouvoir d’appréciation pour appliquer l’une ou l’autre de ces deux dispositions ». Par ailleurs, ce mécanisme assure la cohérence du contrôle juridictionnel tout en respectant les prérogatives de puissance publique en matière de police des étrangers.
B. L’absence d’influence de l’inexactitude matérielle des faits
L’erreur commise par l’autorité préfectorale concernant la régularité de l’entrée sur le territoire n’entraîne pas automatiquement l’annulation de l’acte administratif contesté. La Cour considère que « la préfète aurait édicté la même décision si elle n’avait pas mentionné cet élément erroné » au sein de son arrêté. Cette solution repose sur le fait que l’intéressé « n’avait jamais été muni de titre de séjour » durant sa présence prolongée dans le pays. En conséquence, l’inexactitude matérielle reste sans incidence sur le bien-fondé de la mesure dès lors que la situation de séjour irrégulier demeure établie.
II. La fragilité d’une insertion professionnelle dépourvue de cadre réglementaire
A. L’insuffisance du travail sans autorisation au regard du respect de la vie privée
L’exercice d’une activité professionnelle sous contrat à durée indéterminée ne suffit pas à caractériser une insertion de nature à empêcher une mesure d’éloignement. Le requérant ne démontre aucun lien privé ou familial stable en France malgré une présence sur le territoire s’étendant sur plus de dix années. La Cour souligne avec précision que « l’entreprise ne dispose pas d’autorisation de travail le concernant » pour l’emploi occupé au sein de la boucherie. Ainsi, les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ne sont pas méconnues par l’autorité administrative.
B. La proportionnalité de l’interdiction de retour face au maintien irrégulier
La durée de l’interdiction de retour sur le territoire français est justifiée par le comportement passé du ressortissant étranger vis-à-vis des décisions souveraines. Bien que présent depuis longtemps, l’intéressé « a déjà fait l’objet d’au moins une mesure d’éloignement à laquelle il n’a pas déféré » auparavant. La préfète n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en fixant à deux ans la durée de cette interdiction de revenir en France. Finalement, la Cour administrative d’appel de Paris confirme la sévérité nécessaire du juge administratif face au non-respect réitéré des obligations de quitter le territoire.