La cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 22 janvier 2025, un arrêt relatif à la responsabilité indemnitaire de l’administration pour harcèlement. Un brigadier-chef de la police nationale sollicitait la condamnation de l’État à verser une indemnité en réparation de préjudices nés de conditions de travail dégradées. L’agent invoquait des refus répétés d’aménagement d’horaires, des pressions durant un congé maladie et des comportements irrespectueux de ses collègues de service. Le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes par un jugement du 2 mai 2023 dont le requérant a interjeté appel. La question posée au juge consistait à déterminer si les décisions de gestion et les incidents relatés permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement moral. La juridiction d’appel confirme la décision de première instance en estimant que les éléments soumis ne sont pas de nature à caractériser une telle faute. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’absence de caractérisation d’une présomption de harcèlement moral avant d’envisager le respect des obligations de sécurité et d’égalité.
I. L’absence de caractérisation d’une présomption de harcèlement moral
Le juge administratif évalue souverainement si les faits présentés par l’agent public sont susceptibles de faire présumer l’existence d’agissements répétés de harcèlement. Cette appréciation repose sur une analyse concrète des décisions prises par l’autorité hiérarchique au regard des nécessités du service et du comportement de l’agent.
A. Une appréciation matérielle rigoureuse des décisions de gestion
Le requérant soutenait que l’administration avait opposé des refus systématiques à ses demandes de modification d’horaires formulées entre les années 2012 et 2016. La cour administrative d’appel de Paris relève toutefois que l’intéressé a obtenu un passage à temps partiel et un changement de rythme hebdomadaire. Les magistrats soulignent que les supérieurs avaient même proposé une mutation géographique afin de concilier les contraintes familiales de l’agent avec ses obligations professionnelles. « Il ne résulte ainsi pas de l’instruction que des refus multiples et systématiques ont été opposés à ses demandes d’adaptation » de son rythme de travail. Le juge écarte ainsi la qualification de harcèlement pour des décisions qui relèvent de l’organisation normale du service public.
B. L’exclusion des incidents isolés dépourvus d’intention malveillante
L’arrêt examine également les griefs relatifs à un entretien téléphonique survenu pendant l’hospitalisation de l’agent et à des altercations avec certains de ses collègues. La juridiction considère que l’appel téléphonique regrettable résultait d’une mauvaise communication interne sans révéler pour autant une quelconque « volonté de nuire au requérant ». Concernant les tensions au sein de l’équipe, l’administration a réagi promptement en convoquant les auteurs des faits d’insubordination pour les réprimander officiellement. Ces incidents, pris isolément ou ensemble, ne permettent pas de constituer une présomption de harcèlement moral au sens des dispositions du code général de la fonction publique. Le rejet de cette présomption conduit nécessairement à vérifier si l’administration a méconnu ses autres obligations statutaires envers son agent.
II. Le respect des obligations de sécurité et d’égalité de traitement
L’administration est tenue d’assurer la sécurité de ses agents et de garantir une égalité de traitement entre les fonctionnaires placés dans une situation identique. La cour administrative d’appel de Paris vérifie si les allégations de discrimination et de manquement à l’obligation de protection sont étayées par des preuves suffisantes.
A. Le rejet des allégations de discrimination et d’inégalité
Le requérant invoquait une rupture du principe d’égalité en affirmant que d’autres agents bénéficiaient d’aménagements d’horaires plus favorables au sein de sa brigade. Il ne produisait cependant qu’une attestation unique ne permettant pas d’établir qu’un traitement discriminatoire ou défavorable lui avait été spécifiquement réservé par sa hiérarchie. L’agent prétendait aussi avoir subi une discrimination liée à son état de santé lors d’un entretien relatif au port de son arme de service. La cour constate que les pièces produites, notamment un message électronique, ne corroborent pas l’existence de propos discriminatoires ou d’un retrait d’arme injustifié. Ces éléments de fait ne sont pas de nature à faire présumer une situation de discrimination en lien avec la santé de l’intéressé.
B. La validation de l’action protectrice de l’autorité administrative
L’obligation de sécurité impose à l’employeur public de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs durant l’exercice de leurs fonctions. Le juge administratif estime que l’administration n’a pas failli à cette mission dès lors qu’elle a cherché des solutions adaptées aux alertes de l’agent. L’autorité administrative a répondu positivement à plusieurs souhaits du brigadier-chef et a proposé des options compatibles avec l’intérêt du service et sa vie privée. « Il ne résulte ainsi pas de l’instruction qu’elle ait manqué à son obligation de protection de la santé du requérant » malgré les retentissements psychologiques allégués. La cour administrative d’appel de Paris confirme donc que les préjudices invoqués ne sauraient être réparés en l’absence de faute établie à la charge de l’État.