Par un arrêt du 22 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur la légalité d’une mesure d’éloignement assortie d’une interdiction de retour. Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national en 1998, a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai. Ce dernier présentait un casier judiciaire chargé et souffrait d’un handicap physique important consécutif à une amputation. Le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’annulation en première instance par un jugement du 3 septembre 2024. L’intéressé a alors saisi la juridiction d’appel en invoquant notamment la violation du droit d’être entendu et de son état de santé. La question posée était de savoir si les garanties procédurales et les protections médicales pouvaient encore faire obstacle à l’éloignement d’un étranger délinquant. La Cour confirme le rejet de la requête en soulignant l’application des dispositions spéciales du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Il convient d’étudier l’écartement des protections procédurales et médicales générales (I), avant d’analyser la validation des mesures de police au regard de l’ordre public (II).
**I. L’écartement des protections procédurales et médicales générales**
*A. Le caractère inopérant du droit général à l’audition*
La Cour administrative d’appel de Paris précise que l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne « s’adresse uniquement aux institutions de l’Union ». Cette interprétation jurisprudentielle limite l’invocation directe de ce texte européen à l’encontre des décisions prises par les autorités préfectorales françaises. Les dispositions nationales relatives à l’obligation de quitter le territoire constituent des « dispositions spéciales » régissant l’ensemble de la procédure administrative. Par conséquent, les règles générales fixées par le code des relations entre le public et l’administration ne trouvent pas à s’appliquer en l’espèce. L’administration n’était donc pas tenue de procéder à une audition spécifique avant de prendre la mesure d’éloignement contestée par le requérant. La régularité de la procédure est ainsi préservée dès lors que l’intéressé a pu présenter ses observations lors de ses précédentes auditions policières.
*B. La suppression de la protection légale liée à l’état de santé*
Le requérant invoquait son état de santé pour contester la légalité de son éloignement forcé vers son pays d’origine. Cependant, la Cour rappelle que les protections antérieures « ont été abrogées, à compter du 28 janvier 2024, par la loi pour contrôler l’immigration ». Cette réforme législative majeure supprime l’interdiction d’éloigner un étranger malade résidant habituellement sur le sol français depuis de nombreuses années. L’autorité administrative n’est plus tenue de solliciter l’avis préalable du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. La protection de la santé de l’étranger ne constitue désormais plus un obstacle automatique à l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français. Seules les stipulations interdisant les traitements inhumains ou dégradants pourraient faire obstacle à l’exécution de la mesure vers le pays de renvoi.
**II. La validation des mesures de police au regard de l’ordre public**
*A. Le refus justifié du délai de départ volontaire*
L’autorité administrative peut légitimement refuser d’accorder un délai de départ volontaire lorsque « le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ». En l’espèce, le requérant avait subi de multiples condamnations pénales pour des faits de violence, d’agression sexuelle et de trafic de stupéfiants. Malgré l’erreur commise par le préfet concernant la validité du passeport, la décision de refus reste juridiquement fondée sur les autres motifs. Le préfet de police aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur la menace et l’absence de résidence effective permanente. La production d’une simple attestation d’hébergement futur ne suffit pas à garantir la représentation de l’intéressé auprès des services de l’État. La protection de la sécurité publique l’emporte ainsi sur les considérations liées à l’insertion sociale ou professionnelle du ressortissant étranger.
*B. La proportionnalité de l’interdiction de retour sur le territoire*
L’interdiction de retour pour une durée de trois ans est jugée proportionnée au regard de la particulière gravité des antécédents judiciaires. La Cour administrative d’appel relève que le requérant a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour des faits de violence conjugale et d’agression sexuelle. Ces comportements témoignent d’une menace réelle pour la sécurité des personnes que la durée du séjour ne permet pas d’atténuer. Bien que l’intéressé réside en France depuis vingt-cinq ans, il « n’entretient pas de relation avec les deux enfants » vivant sur le territoire. L’atteinte portée à sa vie privée et familiale est donc jugée nécessaire et proportionnée aux buts de défense de l’ordre public. Le juge confirme ainsi la sévérité des mesures d’éloignement face à une délinquance persistante ne présentant aucun signe réel d’amendement.