Cour d’appel administrative de Paris, le 23 mai 2025, n°23PA04643

Par un arrêt rendu le 23 mai 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise le régime juridique des sélections professionnelles au sein de la fonction publique. Un fonctionnaire de la protection judiciaire de la jeunesse conteste la légalité de la liste des admis à un nouveau corps de cadres de son administration. Le requérant invoque notamment l’illégalité par exception de l’arrêté ministériel fixant les modalités d’organisation de cette sélection professionnelle pour la constitution du corps. Le tribunal administratif de Paris rejette sa demande initiale le 15 septembre 2023, ce qui motive l’appel devant la juridiction administrative d’appel de Paris. Le litige porte sur la soumission d’une sélection professionnelle aux principes généraux régissant habituellement les concours administratifs et le respect du principe d’égalité. Le juge administratif doit déterminer si l’absence de notation lors d’un oral facultatif constitue une rupture d’égalité entre les agents candidats à cette promotion. La Cour rejette la requête en considérant que la sélection vise uniquement à vérifier l’aptitude professionnelle sans établir de classement des mérites respectifs. L’étude de cette décision impose d’analyser la qualification juridique de la procédure de sélection avant d’examiner la conformité des épreuves au principe d’égalité.

**I. La qualification juridique de la sélection : une procédure distincte du concours**

**A. L’exclusion des règles propres aux concours administratifs**

La Cour administrative d’appel de Paris affirme que la procédure litigieuse « n’est pas assimilable à un concours » au sens strict du droit de la fonction publique. Cette distinction fondamentale repose sur l’absence d’appréciation comparative des mérites respectifs des différents candidats postulant à l’intégration du nouveau corps de cadres. Contrairement au concours, cette sélection professionnelle n’aboutit pas à un classement hiérarchisé des candidats aptes en fonction de leurs résultats aux épreuves organisées. Elle a pour « unique objet de vérifier les compétences professionnelles » et l’aptitude à exercer les missions nouvelles définies par le décret statutaire du corps. Les principes généraux du droit des concours ne trouvent donc pas à s’appliquer directement à cette modalité spécifique de recrutement ou de promotion. Cette qualification permet d’écarter les moyens relatifs à l’absence de notation chiffrée ou de coefficients préalablement définis pour les épreuves orales.

**B. La reconnaissance d’une large marge d’appréciation administrative**

L’autorité ministérielle dispose d’un pouvoir d’organisation étendu pour définir les modalités pratiques de cette vérification des compétences et de l’aptitude des agents. Le garde des sceaux pouvait légalement prévoir une audition complémentaire pour l’examen des titres sans méconnaître les dispositions législatives ou réglementaires de valeur supérieure. La Cour estime que l’administration bénéficiait d’une « marge d’appréciation substantielle » pour déterminer les outils d’évaluation nécessaires à la constitution initiale du corps. Cette souplesse administrative garantit une meilleure adéquation entre le profil réel des candidats et les missions d’encadrement pédagogique et administratif des unités éducatives. L’absence de caractère impératif de l’épreuve orale s’inscrit dans cette logique de vérification qualitative des dossiers de candidature soumis à la commission de sélection.

**II. La conformité du mode de sélection au principe de légalité**

**A. La validité de l’audition facultative comme instrument d’appréciation**

L’article 7 de l’arrêté d’organisation prévoit une audition possible pour la « bonne appréciation du dossier de candidature » selon le choix souverain de la commission. Cette épreuve orale concerne indistinctement tous les candidats potentiels et sa mise en œuvre ne rompt pas l’équilibre général de la procédure de sélection. Puisque cette audition « ne donne pas lieu à notation », les principes d’harmonisation des notes ou d’information sur les coefficients sont juridiquement inopérants. La Cour administrative d’appel de Paris souligne que l’audition ne constitue pas une épreuve d’évaluation classique mais un simple outil de levée de doute. Le grief tiré du caractère arbitraire de la décision d’auditionner certains agents n’est pas étayé par des éléments de preuve suffisants par le requérant. La commission de sélection conserve la maîtrise de son instruction pour parvenir à la décision la plus juste concernant l’aptitude de chaque agent.

**B. Le rejet de l’existence d’une discrimination entre les agents**

Le requérant soutenait que les candidats n’ayant pas validé une formation spécifique de responsable d’unité éducative étaient systématiquement évincés de la liste des admis. Les données chiffrées produites par le ministère de la justice au cours de l’instruction contredisent toutefois formellement cette analyse statistique des résultats obtenus. Un nombre significatif d’agents admis n’exerçaient pas de fonctions de direction fonctionnelle et n’avaient pas validé la formation mentionnée dans la requête d’appel. La Cour juge que la sélection n’a méconnu ni le principe d’égalité, ni le principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics en France. L’audition facultative n’a pas été utilisée comme un instrument de discrimination indirecte contre certains profils particuliers de chefs de service de l’administration. L’arrêt confirme ainsi la régularité juridique du processus de constitution initiale du corps des cadres éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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