La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision du 23 mai 2025, précise les modalités d’interruption de la prescription de l’action en recouvrement fiscal. Une contribuable contestait l’obligation de payer des impositions supplémentaires relatives à l’année 2001, initialement mises en recouvrement au mois de novembre 2004. Elle invoquait l’acquisition de la prescription quadriennale, critiquant la régularité des actes de poursuite notifiés par l’administration fiscale au cours de la période. Saisi en première instance, le tribunal administratif de Montreuil avait rejeté sa demande de décharge par un jugement rendu en date du 8 décembre 2023. Devant les juges d’appel, la requérante soutenait que les actes interruptifs étaient irréguliers ou comportaient des montants incohérents, faisant ainsi obstacle au recouvrement forcé. La question posée à la juridiction est de savoir si des actes de poursuite notifiés à l’étranger et des procédures de sursis interrompent valablement la prescription. La Cour rejette la requête en considérant que la prescription a été régulièrement suspendue puis interrompue par des actes successifs notifiés à la contribuable. L’examen de cette décision impose d’analyser la caractérisation des actes interruptifs de prescription avant d’envisager la pérennité de l’obligation de payer la dette fiscale.
**I. La caractérisation rigoureuse des actes interruptifs de prescription**
**A. L’effet suspensif attaché aux procédures contentieuses**
L’action en recouvrement des créances fiscales se prescrit par quatre ans à compter de la mise en recouvrement du rôle ou du titre exécutoire. Ce délai légal n’est toutefois acquis que sous réserve de l’absence de causes suspensives ou interruptives de prescription durant toute la période considérée. Aux termes de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales, « l’exigibilité de la créance et la prescription de l’action en recouvrement sont suspendues » jusqu’à l’intervention d’une décision définitive. En l’espèce, la contribuable avait présenté une réclamation assortie d’une demande de sursis de paiement, gelant ainsi le cours du délai de prescription. Cette suspension a perduré depuis la réclamation initiale jusqu’au rejet de la requête par le tribunal administratif compétent en janvier 2011. La juridiction d’appel confirme que cette période de contestation judiciaire neutralise légalement le décompte du délai quadriennal dont dispose l’administration pour agir.
**B. La validité des notifications des actes de poursuite**
La prescription est également interrompue par la notification d’une mise en demeure de payer ou par tout acte d’exécution forcée régulièrement porté à connaissance. La requérante contestait la régularité de notifications effectuées à son adresse à l’étranger, notamment pour des plis revenus avec la mention d’absence de réclamation. La Cour juge que le pli « a régulièrement été notifié le 12 avril 2012 à l’adresse postale de l’intéressée » malgré son retour au service expéditeur. Elle précise que l’absence de signature personnelle sur un accusé de réception n’affecte pas la validité de l’acte si le mandat n’est pas contesté. La preuve de la distribution régulière par les services postaux suffit à caractériser l’interruption de la prescription, même si la contribuable ne retire pas son courrier. Ces actes de poursuite successifs ont ainsi maintenu en vie la créance fiscale en empêchant l’expiration du délai de quatre ans durant la phase de recouvrement.
**II. La pérennité de l’obligation de payer malgré les contestations**
**A. La justification comptable des variations de la créance**
La débitrice arguait que les différents actes de poursuite mentionnaient des sommes divergentes, ce qui entacherait selon elle la validité même de la créance réclamée. Les juges soulignent cependant que « cette différence résulte du décompte des intérêts moratoires » appliqués conformément aux dispositions législatives en vigueur au sein du code fiscal. Les variations constatées s’expliquent également par les versements partiels déjà effectués au moyen de saisies antérieures opérées avec succès par le comptable public en charge. L’administration n’est donc pas tenue de maintenir un montant identique sur chaque acte de poursuite tant que les évolutions sont justifiées par des éléments légaux. La Cour considère que la contribuable n’établit pas le caractère erroné du montant final réclamé au regard des impositions et des pénalités restant réellement dues.
**B. L’efficacité du dispositif d’assistance internationale au recouvrement**
Le litige s’inscrit dans le cadre d’une procédure d’assistance mutuelle entre Etats membres pour le recouvrement de créances fiscales prévue par une directive européenne. L’administration a sollicité les autorités de l’Etat de résidence pour notifier un instrument uniformisé permettant l’adoption de mesures exécutoires sur le territoire étranger. La juridiction valide ce recours à l’assistance internationale en constatant que la prescription n’était pas acquise au moment de la mise en œuvre de ce dispositif. L’instrument uniformisé constitue le titre permettant de poursuivre le recouvrement forcé au-delà des frontières nationales sans que la localisation de la débitrice n’y fasse obstacle. En rejetant l’ensemble des moyens, la Cour confirme la validité de la procédure transfrontalière et l’exigibilité des sommes réclamées au titre des redressements de 2001.