Cour d’appel administrative de Paris, le 23 septembre 2025, n°24PA03325

Par un arrêt du 23 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée sur les conditions de reconnaissance en France d’un diplôme de psychologue délivré par un établissement étranger. En l’espèce, une étudiante titulaire d’un diplôme de master en psychologie clinique et psychothérapie, délivré par l’antenne parisienne d’une université privée autrichienne, a sollicité auprès de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche la reconnaissance de ce diplôme afin de pouvoir faire usage du titre de psychologue. Face au refus qui lui a été opposé par une décision du 28 avril 2022, l’intéressée a saisi le tribunal administratif de Paris, lequel a annulé la décision ministérielle par un jugement du 24 mai 2024. La ministre a alors interjeté appel de ce jugement, demandant son annulation et le rejet de la demande de première instance. La cour administrative d’appel devait donc déterminer si l’autorité ministérielle avait pu légalement refuser de reconnaître l’équivalence d’un diplôme étranger au motif que la formation pratique suivie par la candidate ne correspondait pas pleinement aux exigences nationales, notamment en distinguant la pratique de la psychologie de celle de la psychothérapie. Statuant par l’effet dévolutif de l’appel, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté la demande de l’étudiante. Elle a considéré que le diplôme ne pouvait être regardé comme équivalent à un diplôme national, dès lors que les stages effectués, dont l’objet portait sur l’application d’un enseignement psychothérapeutique, ne garantissaient pas une pratique effective de la psychologie au sens de la réglementation française.

Le juge d’appel exerce un contrôle rigoureux sur l’équivalence des formations pratiques exigées pour l’usage du titre de psychologue (I), ce qui le conduit à réaffirmer une conception stricte des voies d’accès à la profession régies par le droit national et le droit de l’Union européenne (II).

I. Le contrôle rigoureux de l’équivalence de la formation pratique

La cour administrative d’appel fonde sa décision sur une analyse précise des conditions du stage professionnel, en opérant une dissociation nette entre la psychologie et la psychothérapie (A), ce qui la conduit à constater l’insuffisance des garanties offertes par la formation suivie par la requérante (B).

A. La dissociation conceptuelle entre la pratique psychologique et psychothérapeutique

La décision commentée s’attache à la finalité du stage professionnel, élément central du cursus permettant de faire usage du titre de psychologue. La cour relève que les conventions de stage de l’étudiante mentionnaient comme « objet essentiel l’application pratique de l’enseignement psychothérapeutique dispensé par la SFU-Paris ». En s’appuyant sur cette formulation, le juge administratif souligne qu’il « est constant que les titres de psychologue et de psychothérapeute relèvent de deux titres distincts et donc de deux réglementations différentes ». Cette distinction est déterminante, car elle permet à la cour de refuser de considérer les deux pratiques comme fongibles ou interchangeables dans le cadre de l’évaluation de l’équivalence d’un diplôme. Par cette interprétation, la juridiction administrative confère une portée décisive à la lettre des conventions de stage, érigeant la mention de la psychothérapie en obstacle à la reconnaissance de l’équivalence avec une formation de psychologue. La solution adoptée témoigne d’une volonté de préserver la spécificité de chaque profession, en dépit de la proximité de leurs champs d’intervention, et d’assurer que la formation validée correspond sans ambiguïté aux compétences attendues d’un psychologue selon le droit français.

B. La preuve insuffisante de la nature psychologique des stages

Conséquence directe de cette distinction, la charge de la preuve de la nature purement psychologique des missions accomplies durant le stage pèse sur la candidate à la reconnaissance de son diplôme. La cour observe que les pièces versées au dossier, en particulier les attestations de stage, ne permettent pas de démontrer que les activités exercées allaient au-delà de la pratique psychothérapeutique pour relever de celle de la psychologie. Le juge note d’ailleurs qu’une des attestations produites n’émanait pas d’un psychologue, ce qui en affaiblit la portée probante quant à la nature des compétences mises en œuvre. En jugeant que, dans ces conditions, le diplôme « ne peut dans ces conditions être regardé comme équivalent à un diplôme national », la cour confirme la légalité du refus opposé par la ministre. Elle estime que celle-ci a pu, « sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation », considérer que les conditions de l’équivalence n’étaient pas remplies. Ce raisonnement illustre une approche pragmatique et exigeante, où l’administration, sous le contrôle du juge, est fondée à exiger des preuves tangibles que le contenu de la formation pratique est bien conforme aux réquisits nationaux.

II. L’interprétation restrictive des conditions d’autorisation d’exercice

Au-delà de la question de l’équivalence, la cour examine les autres voies d’accès à la profession et confirme une lecture stricte des conditions posées, tant au regard du droit de l’État d’origine du diplôme (A) que des principes du droit de l’Union européenne (B).

A. La distinction entre la détention du titre et le droit d’exercice dans l’État d’origine

Saisie par l’effet dévolutif de l’appel, la cour analyse le second mécanisme d’accès à la profession, prévu au II de l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 pour les ressortissants européens. Ce dispositif permet l’autorisation d’exercice pour les titulaires d’un diplôme permettant l’exercice de la profession dans un État membre où celle-ci est réglementée. Se livrant à une analyse du droit autrichien, la cour relève que le diplôme de l’étudiante lui confère le titre de psychologue en Autriche, mais ne l’autorise pas pour autant à exercer la profession de psychologue de la santé ou de psychologue clinicien, laquelle requiert une formation postuniversitaire complémentaire. Elle en déduit que la requérante ne peut être « regardée comme étant titulaire d’un diplôme permettant l’exercice de la profession de psychologue dans un Etat membre ». Cette analyse fine de la législation étrangère démontre que le juge ne s’arrête pas à l’intitulé du diplôme, mais en examine la portée effective au regard du droit de l’État qui l’a délivré. La solution réaffirme que le droit à l’autorisation d’exercice en France est conditionné non pas à la simple obtention d’un titre, mais à la possession d’une qualification ouvrant pleinement le droit d’exercer dans l’État d’origine.

B. La portée encadrée de la liberté d’établissement et de la reconnaissance des diplômes

Enfin, la cour écarte les moyens tirés de la méconnaissance des articles 45 et 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatifs à la liberté de circulation et d’établissement. Si le juge rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui impose aux autorités nationales de prendre en considération l’ensemble des titres et expériences d’un demandeur, il confirme que cette obligation s’exerce dans le cadre d’une comparaison avec les exigences nationales. En l’espèce, l’analyse des conditions de stage ayant révélé une non-conformité substantielle, le refus d’équivalence n’est pas jugé contraire au droit de l’Union. De même, en rejetant le moyen tiré de la rupture d’égalité, la cour valide l’application uniforme de la législation par l’administration. L’arrêt illustre ainsi la marge d’appréciation dont disposent les États membres pour réglementer l’accès aux professions de santé, dès lors que cette réglementation est appliquée de manière objective et proportionnée, dans un but de protection de la santé publique. La décision confirme que le principe de reconnaissance mutuelle ne saurait faire obstacle au droit pour un État membre de s’assurer du niveau de qualification des professionnels souhaitant exercer sur son territoire.

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Hassan KOHEN
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