La cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 23 septembre 2025, se prononce sur le refus de séjour opposé à un ressortissant tunisien. L’intéressé, entré irrégulièrement en France en 2011, sollicitait son admission au séjour en qualité de salarié sur le fondement du code de l’entrée et du séjour. Par un jugement du 7 janvier 2025, le tribunal administratif de Melun avait rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral du 30 juin 2023. Le litige porte sur l’articulation entre les stipulations de l’accord franco-tunisien et les dispositions relatives à l’admission exceptionnelle au séjour prévues par le droit commun. L’appelant soutient que l’autorité préfectorale a méconnu ses droits en refusant de régulariser sa situation malgré une présence prolongée et une insertion professionnelle sur le territoire. La juridiction rejette la requête en estimant que le cadre conventionnel prime sur le droit commun et que les attaches familiales demeurent stables dans le pays d’origine.
I. L’exclusivité des stipulations conventionnelles pour l’admission au séjour des salariés
A. L’éviction de l’admission exceptionnelle au séjour de droit commun
La juridiction d’appel rappelle que l’admission au séjour des ressortissants tunisiens souhaitant exercer une activité salariée est régie de manière exclusive par l’accord bilatéral. L’article 3 de l’accord franco-tunisien prévoit en effet la délivrance de titres de séjour portant la mention « salarié » sous des conditions de visa et de contrat. L’arrêt souligne que « dès lors que l’article 3 de l’accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d’une activité salariée », le droit commun est inapplicable. Le requérant ne peut donc utilement invoquer l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers pour une demande fondée sur le travail. Cette solution illustre la règle selon laquelle les stipulations d’un accord international priment sur les dispositions législatives nationales traitant du même objet juridique précis.
B. La préservation du pouvoir discrétionnaire de régularisation du préfet
Si l’accord international fait écran à l’application du code, il ne prive pas l’autorité préfectorale de sa faculté d’apprécier l’opportunité d’une mesure de régularisation. La cour administrative d’appel précise que les stipulations précitées « n’interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour » à un étranger ne remplissant pas les conditions. Ce pouvoir discrétionnaire permet à l’administration de prendre en compte des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels même en présence d’un cadre conventionnel rigide. L’exercice de cette compétence suppose une analyse globale de la situation personnelle de l’intéressé au regard de l’ensemble des éléments portés à la connaissance de l’administration. Le juge administratif vérifie alors l’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans l’usage de ce pouvoir de régularisation par l’autorité investie du pouvoir de police.
II. La validité de l’appréciation factuelle portée sur la situation du requérant
A. Le caractère insuffisant des preuves relatives à la durée de résidence
Le requérant soutenait résider habituellement en France depuis plus de dix ans afin de contraindre l’administration à saisir la commission du titre de séjour départementale. La juridiction d’appel rejette cette prétention en constatant que les pièces produites, notamment pour l’année 2014, demeurent « insuffisamment probantes » pour établir une présence continue. Un avis d’imposition nul et des factures isolées ne suffisent pas à caractériser la réalité d’une résidence habituelle sur le territoire national durant la période considérée. L’absence de preuve certaine sur cette durée de dix années dispense ainsi le préfet de l’obligation de consulter l’instance paritaire prévue par les dispositions législatives. Cette exigence probatoire stricte protège l’administration contre des demandes de régularisation fondées sur une présence alléguée mais non démontrée par des documents administratifs probants.
B. L’absence d’atteinte disproportionnée au droit à la vie privée
La légalité de la décision est confirmée malgré une erreur de droit initiale du préfet concernant l’usage d’une fausse carte d’identité par l’administré étranger. La juridiction administrative opère une substitution de motifs en relevant que l’autorité préfectorale aurait pris la même décision sans se fonder sur ce motif erroné. L’arrêt observe que l’intéressé « ne justifie exercer une activité professionnelle stable que depuis décembre 2021 » et qu’il est dépourvu de charges de famille. Ses attaches familiales essentielles demeurent dans son pays d’origine où il a vécu la majeure partie de sa vie jusqu’à l’âge de trente ans. Par conséquent, la mesure d’éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée aux stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.