Par un arrêt rendu le 25 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise les conditions d’application de l’imposition des rémunérations versées à des tiers étrangers. Un contribuable, dirigeant d’une structure française et associé unique d’une entité belge, conteste l’intégration à son propre revenu de sommes facturées par sa société étrangère. Le litige porte sur la réalité des prestations de service et la compatibilité du droit national avec les principes fondamentaux de l’Union européenne. Le tribunal administratif de Montreuil avait initialement rejeté la demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des pénalités afférentes. Le requérant soutient que l’administration fiscale ne justifie pas la mise en recouvrement et dénonce une atteinte disproportionnée à la liberté d’établissement. La question posée aux juges d’appel concerne la capacité de l’administration à imposer un résident pour des services qu’une entité contrôlée prétend avoir réalisés. La juridiction d’appel annule le jugement pour insuffisance de motivation mais rejette les conclusions du contribuable après avoir examiné le fond de l’affaire.
I. La caractérisation de l’interposition injustifiée d’une structure établie hors de France
A. Le contrôle direct de l’entité percevant la rémunération des services
L’application de l’article 155 A du code général des impôts suppose que le contribuable exerce un contrôle direct ou indirect sur la personne morale étrangère. En l’espèce, le requérant possède la qualité de gérant et d’associé unique de la société de droit belge chargée de facturer les prestations litigieuses. Cette détention intégrale du capital social permet à l’administration de présumer l’influence prépondérante de l’intéressé sur les décisions de la structure intermédiaire. La Cour confirme que la perception de sommes par une personne établie hors de France est imposable au nom de celui qui contrôle l’entité. Cette règle vise à prévenir le détournement de bases imposables vers des juridictions bénéficiant d’un régime fiscal potentiellement plus favorable. Le juge souligne ainsi la pertinence du critère organique pour identifier le véritable bénéficiaire des revenus issus des prestations de direction générale.
B. L’absence de contrepartie réelle à l’intervention de la société étrangère
L’imposition entre les mains de l’exécutant matériel requiert la preuve que la facturation par la société étrangère ne trouve aucune « contrepartie réelle dans une intervention propre ». La Cour relève que le contribuable exerçait personnellement les fonctions de directeur général au sein de la société française cliente de l’entité belge. Les conditions matérielles d’exercice, telles que les frais de déplacement et le logement, étaient directement prises en charge au bénéfice de la personne physique. Le requérant n’établit pas que les salariés de sa société belge participaient effectivement aux missions de direction facturées à la structure française. L’administration démontre que le service rendu l’a été pour le compte propre du dirigeant et non pour celui de la personne morale intermédiaire. Dès lors, les prestations de direction générale doivent être regardées comme ayant été réalisées exclusivement par l’intéressé sur le territoire national.
II. La validation de la conformité du dispositif fiscal aux normes supérieures
A. La compatibilité de l’article 155 A avec les libertés de circulation européennes
Le contribuable invoque une discrimination et une atteinte à la liberté d’établissement ainsi qu’à la libre prestation de services garanties par le droit communautaire. La Cour administrative d’appel de Paris écarte ces moyens en précisant que le dispositif législatif cible uniquement les services dépourvus de substance économique réelle. Le juge estime que la liberté de s’établir hors de France ne saurait être indûment entravée par des dispositions luttant contre des montages artificiels. Puisque les services concernés ne sont pas rendus pour le compte de la personne étrangère, aucune violation des libertés de circulation ne peut être utilement soulevée. Le mécanisme de l’article 155 A assure ainsi la cohérence du système fiscal sans excéder ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à protéger l’assiette de l’impôt contre les pratiques d’évasion fiscale internationale.
B. La sanction de l’insuffisante motivation du premier juge par la voie de l’évocation
La Cour censure le jugement du tribunal administratif de Montreuil pour ne pas avoir répondu de manière circonstanciée aux arguments relatifs au droit de l’Union. Les premiers juges s’étaient bornés à affirmer que le requérant n’établissait pas la contrariété aux principes européens sans analyser les éléments de fait. Cette méconnaissance de l’article L. 9 du code de justice administrative entraîne l’annulation de la décision pour irrégularité formelle sans toutefois clore le litige. Saisie par la voie de l’évocation, la juridiction d’appel examine l’ensemble des moyens, incluant la prescription du droit de reprise et l’existence d’une double imposition. Elle constate que la mise en recouvrement est intervenue régulièrement avant l’expiration du délai triennal nonobstant l’absence de réception de l’avis d’imposition. Enfin, la simple déclaration des revenus en Belgique par une personne morale distincte ne suffit pas à caractériser une double imposition juridique prohibée.