La cour administrative d’appel de Paris, dans une décision du 26 septembre 2025, précise les conditions d’indemnisation d’un candidat évincé lors d’une délégation de service public. Une collectivité territoriale a lancé une procédure de mise en concurrence afin d’assurer l’exploitation de son centre aquatique. Une société candidate n’a pas été retenue et a sollicité la condamnation de la personne publique à réparer son préjudice financier. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande indemnitaire par un jugement rendu le 14 décembre 2023. La requérante soutient devant les juges d’appel que son éviction est irrégulière et réclame le versement de son manque à gagner. La question posée concerne l’influence de l’irrégularité de l’offre du candidat sur son droit à obtenir réparation du dommage subi. La juridiction confirme le rejet de la requête en estimant que l’entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le contrat. L’examen du caractère irrégulier de l’offre précède nécessairement l’analyse des éventuelles fautes commises par l’autorité concédante durant la procédure de sélection.
I. L’absence de chance sérieuse résultant de l’irrégularité de l’offre
A. Le principe de l’exclusion du droit à indemnisation
Les juges rappellent que l’indemnisation d’un candidat suppose un lien de causalité direct entre l’irrégularité invoquée et le préjudice subi. La cour affirme que « un candidat évincé dont l’offre était, en tout état de cause, irrégulière, doit être regardé comme dépourvu de toute chance de remporter le contrat ». Cette solution interdit tout remboursement des frais de présentation ainsi que l’indemnisation d’un éventuel manque à gagner. Le magistrat vérifie systématiquement si le requérant disposait d’une chance réelle avant d’évaluer la responsabilité de la puissance publique. L’irrégularité intrinsèque de la proposition du candidat suffit à rompre le lien de causalité avec les fautes alléguées.
B. Le non-respect impératif des prescriptions tarifaires
Le règlement de la consultation imposait aux candidats de respecter une grille tarifaire précise annexée au dossier de la consultation. L’entreprise évincée a proposé des tarifs unitaires et d’abonnement supérieurs à ceux fixés par la délibération de l’autorité concédante. Les juges considèrent que cette méconnaissance des prescriptions financières rend la proposition irrégulière au regard du cahier des charges. Ce manquement aux exigences contractuelles place le candidat dans une situation où il ne pouvait légalement être désigné comme attributaire. Le constat de cette irrégularité matérielle fonde le rejet de la demande indemnitaire indépendamment de la qualité des autres offres. L’irrespect des tarifs obligatoires prive le candidat de toute possibilité de contester utilement le classement final des offres.
II. L’indifférence de l’irrégularité de l’offre concurrente et l’impossible régularisation
A. La neutralisation des critiques dirigées contre l’attributaire
La requérante invoquait l’irrégularité de l’offre de l’attributaire en raison d’un prétendu non-respect des règles relatives au droit du travail. La cour juge ce moyen inopérant puisque l’irrégularité de la propre offre du demandeur fait obstacle à l’existence d’un préjudice indemnisable. Elle précise que cette solution s’impose « alors même que l’offre retenue aurait été tout aussi irrégulière » que celle de la société évincée. La protection de la légalité de la procédure s’efface ici derrière l’absence de droit acquis à l’obtention du contrat public. Cette jurisprudence protège les deniers publics contre des demandes indemnitaires formulées par des candidats n’ayant pas respecté les règles.
B. L’impossibilité de régulariser une offre financièrement non conforme
La juridiction écarte l’idée que l’autorité concédante aurait pu inviter le candidat à modifier ses tarifs après le dépôt des plis. Elle souligne que l’irrégularité affectait les aspects financiers du contrat, ce qui constitue un élément substantiel de l’offre déposée. Le candidat n’ayant pas été admis lors de la phase de négociation, aucune régularisation n’était juridiquement possible pour corriger ses tarifs. L’absence d’invitation à régulariser ne constitue donc pas une faute de nature à ouvrir un droit à réparation. Le rejet de la requête confirme la rigueur nécessaire dans la préparation des propositions tarifaires par les différents opérateurs économiques.