Cour d’appel administrative de Paris, le 26 septembre 2025, n°24PA00870

Par un arrêt rendu le 26 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a précisé le régime fiscal applicable aux actes de chirurgie dentaire esthétique. Une société d’exercice libéral a fait l’objet d’un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée suite à une vérification de sa comptabilité. L’administration fiscale a considéré que les actes de pose de facettes en céramique ne revêtaient pas une finalité thérapeutique ouvrant droit à exonération. Le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de décharge des rappels de taxe formulée par la société requérante en première instance. La société soutient devant la juridiction d’appel que la pose de ces prothèses constitue un acte médical exonéré en vertu du code général des impôts. Le litige porte sur le point de savoir si l’inscription d’un acte à la classification commune des actes médicaux suffit à établir sa nature thérapeutique. La cour confirme le jugement attaqué en jugeant que le contribuable doit démontrer, pour chaque intervention, l’existence d’un but de diagnostic ou de soin. L’étude de cette décision nécessite d’analyser d’abord la délimitation stricte de la finalité thérapeutique (I) avant d’examiner les contraintes de preuve pesant sur le redevable (II).

I. La délimitation stricte du champ de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée

La juridiction administrative encadre rigoureusement l’application de l’exonération fiscale en se fondant sur les objectifs de santé publique définis par le droit de l’Union.

A. Le critère de la finalité thérapeutique comme condition d’exonération

La cour rappelle que l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée concerne les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales réglementées. Elle s’appuie sur la jurisprudence européenne pour affirmer que seuls les actes pratiqués dans le but de « diagnostiquer, de soigner et de guérir » bénéficient de cet avantage. Cette définition exclut les interventions dont l’objet est purement esthétique et qui ne répondent pas à une pathologie, une blessure ou un handicap physique. Le juge administratif vérifie ainsi la réalité de la nécessité médicale pour justifier le traitement fiscal privilégié réservé aux prestations de soins curatifs. L’arrêt souligne que la finalité thérapeutique constitue l’élément déterminant pour distinguer les prestations médicales imposables de celles qui demeurent en dehors du champ de la taxe.

B. L’insuffisance de l’inscription à la nomenclature des actes médicaux

La requérante prétendait que l’inscription de la pose de facettes dans la classification commune des actes médicaux suffisait à démontrer son intérêt diagnostique ou thérapeutique. La cour rejette cet argument en précisant que « la seule inscription d’un acte sur la liste » ne saurait suffire à caractériser une finalité médicale exonérée. Elle relève que certains actes inscrits peuvent avoir, selon les circonstances de chaque espèce, une visée exclusivement esthétique ou une portée réellement curative. Le code de la nomenclature indique d’ailleurs que cet acte spécifique n’est pas remboursable par l’assurance maladie et n’est pas soumis à une entente préalable. L’avis favorable des autorités sanitaires lors de l’inscription à la nomenclature ne crée donc pas une présomption irréfragable de nature thérapeutique pour chaque intervention.

II. L’exigence probatoire pesant sur le praticien et les conséquences procédurales

Le juge administratif fait peser sur le contribuable la charge de prouver la nature médicale des actes litigieux pour échapper à l’imposition de droit commun.

A. La nécessité d’une justification thérapeutique individuelle et précise

La cour observe que les informations portées à la connaissance du public par le praticien mettaient principalement en avant un objectif esthétique pour ces prestations. Elle estime que si la finalité thérapeutique peut être admise dans certains cas, le contribuable doit fournir des éléments justificatifs pour chacun des actes contestés. En l’espèce, la société ne verse aux débats « aucune pièce permettant de justifier, pour chacun des actes en litige, une portée thérapeutique » réelle et vérifiable. Le juge refuse de se contenter d’attestations générales ou de rapports non contradictoires produits a posteriori sans lien direct avec les dossiers médicaux des patients. Cette exigence d’une analyse au cas par cas renforce le pouvoir de contrôle de l’administration fiscale sur les activités libérales à la frontière de l’esthétique.

B. La validité de la procédure de taxation d’office en l’absence de déclaration

Faute d’avoir souscrit les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, la société a été régulièrement soumise à la procédure de taxation d’office par l’administration. La cour écarte le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure en rappelant que le défaut de déclaration autorise légalement la mise en œuvre de cette mesure. Elle précise également que la procédure de taxation d’office n’a pas à être « précédée d’une quelconque mise en demeure de régulariser » la situation du redevable. La juridiction rejette le grief relatif à la méconnaissance d’un principe de loyauté, jugeant ce moyen inopérant dès lors que les garanties légales ont été respectées. La décision confirme ainsi que l’assujettissement à la taxe découle directement de la nature de l’activité exercée et de l’absence de preuves thérapeutiques suffisantes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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