La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt rendu le 26 septembre 2025, se prononce sur la légalité d’un refus de séjour opposé à un ressortissant marocain. Un étranger, entré sur le territoire national à l’âge de quinze ans, conteste le rejet de sa demande d’admission exceptionnelle fondée sur des motifs humanitaires. Le Tribunal administratif de Montreuil rejette sa demande d’annulation par un jugement du 8 octobre 2024. L’appelant soutient que sa situation personnelle, marquée par un jugement de kafala, justifie la délivrance d’un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. La juridiction doit déterminer si les attaches en France priment sur les liens familiaux conservés dans le pays d’origine de l’intéressé. La Cour confirme la solution des premiers juges en écartant les moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’atteinte à la vie privée.
I. L’articulation rigoureuse des normes applicables au séjour des ressortissants marocains
A. L’exclusion des dispositions de droit commun pour l’activité salariée
L’accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit de manière spécifique les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de cet État. La Cour rappelle que cet accord « ne fait pas obstacle à l’application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités ». Toutefois, l’article 3 dudit accord prévoit déjà la délivrance de titres de séjour au titre d’une activité salariée sous certaines conditions de contrat. Dès lors, un ressortissant marocain « ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article L. 435-1 » du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cette exclusion s’explique par la prééminence des stipulations conventionnelles sur les dispositions législatives de portée générale pour les motifs exclusivement professionnels.
B. L’invocabilité supplétive pour les considérations de vie privée et familiale
Le silence de l’accord franco-marocain sur l’admission exceptionnelle au séjour pour motifs personnels autorise l’application du droit commun français. Les ressortissants marocains peuvent ainsi se prévaloir de l’article L. 435-1 pour demander une régularisation fondée sur leur situation familiale. La Cour précise que cet article « n’institue pas une catégorie de titres de séjour distincte » mais fixe des conditions dérogatoires de délivrance. Le juge administratif vérifie si l’admission au séjour répond effectivement à des « considérations humanitaires » ou se justifie par des « motifs exceptionnels ». Cette interprétation permet de concilier le respect des engagements internationaux avec les dispositifs de régularisation prévus par le législateur national.
II. L’étroite appréciation de l’insertion et des attaches familiales du requérant
A. La portée limitée de la kafala sur l’admission exceptionnelle au séjour
L’appelant invoque l’existence d’un jugement de kafala pour démontrer la solidité de ses liens avec une résidente titulaire d’une carte de séjour. La Cour constate que l’intéressé était âgé de vingt ans et demi à la date de la décision préfectorale contestée. Bien qu’il ait bénéficié d’une prise en charge durant sa minorité, il demeure « célibataire » et « sans charges de famille » sur le territoire français. Le juge souligne également que le requérant « ne justifie pas qu’il ne pourrait poursuivre ses études dans son pays d’origine ». La protection découlant de la kafala s’estompe ainsi devant l’absence de circonstances exceptionnelles rendant la présence en France indispensable.
B. La prévalence des liens conservés dans le pays d’origine de l’intéressé
Le respect de la vie privée et familiale est garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La Cour examine l’intensité des liens en France au regard de ceux maintenus avec les parents et la fratrie résidant au Maroc. Elle estime que le refus de séjour ne porte pas une « atteinte disproportionnée » aux droits de l’intéressé malgré sa présence depuis plusieurs années. L’étranger a vécu jusqu’à l’âge de quinze ans dans son pays natal où se situe encore le centre de ses intérêts privés. La solution s’inscrit dans une jurisprudence constante privilégiant la cellule familiale d’origine lorsque l’insertion sociale reste insuffisante pour justifier une régularisation.