Cour d’appel administrative de Paris, le 27 janvier 2025, n°23PA04683

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu une décision remarquée le 27 janvier 2025 concernant la sécurité juridique attachée aux contrats administratifs. Le litige opposait un opérateur de télécommunications à un établissement public au sujet d’une convention de gestion déléguée signée quelques années auparavant. Les premiers juges avaient rejeté la requête pour tardivité en appliquant une règle de délai raisonnable issue d’une jurisprudence administrative alors très récente. La juridiction d’appel doit déterminer si cette nouvelle contrainte procédurale s’impose aux instances déjà engagées lors de son apparition. Elle examine également la recevabilité du recours d’un concurrent contre un acte dont la nature juridique réelle demeure incertaine. L’étude de cette décision permet d’analyser d’abord la protection du droit au recours face à l’imprévisibilité d’un délai, puis l’irrecevabilité du recours contre une mesure d’organisation interne.

I. La protection du droit au recours face à l’imprévisibilité d’un nouveau délai de forclusion

La juridiction d’appel refuse d’appliquer rétroactivement la règle du délai raisonnable de recours en se fondant sur l’imprévisibilité de cette évolution jurisprudentielle pour les justiciables. Il convient d’étudier l’écartement de la forclusion pour les instances en cours avant d’analyser la consécration du droit à un procès équitable.

A. L’écartement motivé de l’application rétroactive de la jurisprudence Czabaj

Le juge souligne que l’absence de publicité adéquate d’une convention laisse normalement le recours en contestation de validité ouvert sans condition de durée précise. La règle nouvelle fixant un délai d’un an ne saurait donc s’appliquer brutalement à une requête déposée avant la stabilisation de cette solution. La Cour affirme que « son application aux recours en contestation de validité des contrats […] ne peut être regardée comme une simple extension prévisible d’une jurisprudence constante ». Cette appréciation protège la confiance légitime des parties dans les règles de procédure en vigueur au moment de la saisine du tribunal.

B. La consécration du droit à un procès équitable dans le contentieux contractuel

La décision se réfère explicitement aux exigences européennes pour justifier le maintien de la recevabilité de la demande présentée devant les premiers juges. Une application immédiate de la forclusion aurait restreint l’accès au juge « à un point tel que l’essence même de ce droit s’en est trouvée altérée ». Cette solution garantit que les évolutions prétoriennes ne deviennent pas des pièges procéduraux insurmontables pour des requérants ayant agi de bonne foi. Le droit au recours effectif prime ainsi sur l’impératif de sécurité juridique invoqué par l’établissement public pour tenter d’évincer la contestation.

Le constat de la recevabilité temporelle du recours n’épuise cependant pas l’examen de la requête, car l’intérêt à agir du demandeur dépend de la nature de l’acte contesté.

II. L’irrecevabilité de la contestation fondée sur la nature interne de l’acte litigieux

L’appel est finalement rejeté car la convention ne constitue pas une véritable délégation de service public mais un acte d’organisation interne au groupe public. Cette analyse nécessite d’aborder la requalification de l’accord avant de conclure à l’absence de lésion directe des intérêts de la société requérante.

A. La requalification de la convention en mesure d’organisation d’un groupe public

Le juge procède à une lecture combinée des textes organiques et législatifs pour définir le statut de l’établissement public et de sa structure filiale. La mission d’exploitation du service public des télécommunications est confiée par la loi au groupe entier sans qu’une délégation contractuelle soit juridiquement nécessaire. La Cour estime que la convention « se borne à organiser les relations internes au groupe public » entre la société mère et sa filiale opérationnelle. Cette qualification de mesure interne prévaut sur la dénomination contractuelle choisie par les signataires lors de la conclusion de leur accord.

B. L’absence d’intérêt à agir d’un tiers contre une relation contractuelle interne

L’intérêt à agir d’un opérateur économique suppose que l’acte attaqué soit susceptible de léser ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine. Puisque la convention litigieuse ne constitue pas une délégation de service public, un tiers ne peut prétendre avoir été injustement évincé d’une procédure de mise en concurrence. Le juge conclut que la société requérante « n’est pas susceptible d’avoir été lésée dans ses intérêts » par cet acte de gestion purement interne au groupe. La requête est donc rejetée sans qu’il soit besoin pour la juridiction de se prononcer sur les vices de fond invoqués.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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