Par un arrêt rendu le 27 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise les conséquences statutaires d’une opération de restructuration sur la situation des agents. Une inspectrice divisionnaire des finances publiques occupait un emploi de chef de service comptable au sein d’une direction départementale avant une fusion de services. Suite à cette restructuration, l’administration a mis fin à son détachement et l’a affectée sur un emploi administratif de direction sans modification de son grade. L’intéressée a alors contesté ces décisions ainsi que la nomination d’un autre agent sur le nouveau poste de responsable du service fusionné.
Saisi en premier ressort, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté l’ensemble des demandes de la requérante par un jugement en date du 6 juin 2023. Cette dernière a alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Paris afin d’obtenir l’annulation du jugement et des décisions administratives litigieuses. Elle soutenait notamment que sa nouvelle affectation lui faisait grief et que son éviction du nouveau poste procédait d’une erreur manifeste d’appréciation.
Le problème de droit posé à la juridiction d’appel consistait à déterminer si l’affectation d’un agent suite à une suppression de poste constitue un acte contestable. Il s’agissait également de savoir si un fonctionnaire dispose d’un droit au maintien dans ses fonctions de direction après une fusion de services comptables. La juridiction rejette la requête en confirmant la légalité de la fin du détachement et le caractère discrétionnaire du choix de l’attributaire du nouveau poste.
I. La régularité des mesures de gestion consécutives à une restructuration de service
A. Le caractère lié de la fin de détachement consécutive à une suppression de poste
L’administration est tenue de tirer les conséquences juridiques de la disparition d’un service public sur les emplois qui y sont rattachés. La Cour administrative d’appel de Paris souligne que l’autorité ministérielle se trouvait en situation de compétence liée pour mettre fin au détachement de la requérante. L’article 62 bis de la loi du 11 janvier 1984 impose effectivement le reclassement du fonctionnaire dont l’emploi est supprimé vers une affectation correspondant à son grade.
La suppression effective du poste initial de l’agent rendait inopérant le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de l’acte mettant fin au détachement. La juridiction précise qu’en cas de restructuration d’un service de l’Etat, l’administration était « tenue de mettre fin à son détachement son poste étant supprimé ». Cette solution protège la continuité du service tout en garantissant à l’agent une affectation conforme aux garanties statutaires prévues par le législateur.
B. L’immunité juridictionnelle de l’affectation qualifiée de mesure d’ordre intérieur
La contestation d’une décision d’affectation suppose que celle-ci porte une atteinte substantielle aux droits statutaires ou aux responsabilités de l’agent public concerné. Dans cette espèce, la Cour rappelle que les mesures qui ne portent pas atteinte aux prérogatives du statut constituent de « simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours ». Cette qualification juridique exclut tout contrôle du juge de l’excès de pouvoir sur le choix opérationnel de l’administration.
L’affectation de l’inspectrice sur un emploi administratif de direction n’entraînait aucune perte de rémunération ni modification de son grade au sein de la hiérarchie. La Cour considère que cette mutation constitue une mesure d’ordre intérieur dès lors qu’elle ne lèse pas les droits et libertés fondamentaux de l’intéressée. Le juge administratif maintient ainsi une distinction stricte entre les actes faisant grief et les actes purement organisationnels de la gestion des ressources humaines.
II. L’étendue du pouvoir discrétionnaire dans le choix du titulaire d’un poste restructuré
A. L’inexistence d’un droit au maintien sur un poste absorbant
L’occupation préalable d’un poste dont les missions sont transférées à un nouveau service ne confère pas au titulaire un droit automatique à sa direction. La Cour administrative d’appel de Paris affirme que les affectations sur les postes vacants « se font exclusivement au choix à la suite d’un processus de sélection ». L’agent ne disposait ainsi d’aucun droit à être détaché dans l’emploi de chef de service comptable du nouveau service créé.
La requérante ne pouvait se prévaloir que d’une simple vocation à occuper les nouvelles fonctions en dépit de sa qualité de responsable du poste absorbant. Les juges d’appel confirment la position du tribunal administratif de Montreuil en précisant que ces nominations ne confèrent en conséquence « aucun droit à une affectation ». Cette règle permet à l’autorité administrative de sélectionner le profil le plus adapté aux enjeux de la nouvelle structure administrative.
B. La validité du choix de l’administration au regard des mérites comparés
Le contrôle exercé par le juge sur les nominations au choix se limite à la vérification de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des candidatures. L’administration a retenu un autre fonctionnaire au motif que celui-ci avait « su davantage valoriser la richesse de son parcours professionnel » lors des entretiens de recrutement. La Cour estime que les atouts dont se prévalait la requérante ne suffisaient pas à établir une supériorité manifeste de ses mérites.
L’appréciation souveraine de la valeur professionnelle des candidats relève de la responsabilité du pouvoir adjudicateur sous réserve d’un examen sérieux des dossiers de candidature. Les évaluations élogieuses de l’intéressée et l’avis favorable de sa hiérarchie ne font pas obstacle à la nomination d’un agent d’un grade supérieur. La Cour administrative d’appel de Paris rejette donc la requête en l’absence de preuve d’une erreur de fait ou d’un détournement de pouvoir.