Par un arrêt rendu le 28 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Paris apporte des précisions importantes sur le régime des amendes pour retards de paiement. Une société spécialisée dans la distribution de produits informatiques a subi un contrôle administratif portant sur le respect des délais de règlement de ses fournisseurs. Le directeur régional compétent a prononcé deux amendes administratives d’un montant total de huit cent mille euros en raison de manquements législatifs répétés. Le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande d’annulation de ces sanctions par un jugement en date du 20 octobre 2023. La requérante soutient devant la juridiction d’appel que la procédure est irrégulière et que le montant de la peine méconnaît le principe de proportionnalité. Le juge doit déterminer si le cumul des fonctions de poursuite et de sanction au sein d’une même autorité administrative respecte les exigences de l’impartialité. La Cour annule le jugement pour irrégularité mais rejette la requête au fond en validant l’exercice du pouvoir de répression par l’administration d’État. L’étude de la régularité formelle de la procédure administrative précédera l’analyse de la légalité et de la proportionnalité de la sanction infligée à l’entreprise.
I. La validité de la procédure de sanction administrative
A. L’absence d’atteinte au principe d’impartialité
Le cumul des pouvoirs de constatation et de répression par un service de l’État ne constitue pas une violation du droit à un procès équitable. La Cour rappelle que cette organisation « ne méconnaît pas le principe de la séparation des pouvoirs » ni les stipulations de la convention européenne. Cette solution est conditionnée par l’existence d’un recours de plein contentieux permettant au juge administratif d’exercer un contrôle complet sur la décision administrative. Cette impartialité structurelle s’accompagne de garanties procédurales strictes visant à assurer le respect du contradictoire tout au long de la phase d’instruction du dossier.
B. Le respect des garanties procédurales et de la motivation
L’administration doit informer la personne mise en cause de la sanction envisagée en lui permettant de consulter le dossier et de présenter ses observations écrites. La société a disposé d’un délai suffisant de soixante jours pour faire valoir ses arguments avant l’intervention de la décision de sanction désormais contestée. La motivation de l’acte expose avec précision les éléments de fait et de droit, notamment le nombre de factures payées en retard durant la période. La régularité de la forme étant établie, il convient d’analyser si le fondement juridique et le quantum de la peine respectent les principes de légalité substantielle.
II. La légalité substantielle et la proportionnalité de la peine
A. La clarté des obligations légales relatives aux délais de paiement
Le principe de légalité des délits est respecté dès lors que les textes font référence aux obligations spécifiques des professionnels dans l’exercice de leur activité. La notion de « date d’émission de la facture » constitue un point de départ clair, juridiquement défini et parfaitement intelligible pour les acteurs du marché économique. Cette référence permet d’écarter toute confusion avec la date de réception des documents comptables pour le calcul des délais impératifs prévus par le code de commerce. La clarté de la norme législative autorise ensuite une modulation de la sanction afin de garantir une répression adaptée à l’importance économique des manquements relevés.
B. L’individualisation de la sanction au regard de la situation économique
Le montant de l’amende doit être proportionné à la gravité des manquements constatés ainsi qu’aux capacités financières réelles de la personne morale sanctionnée par l’administration. La sanction de huit cent mille euros ne présente aucun caractère automatique puisqu’elle a été réduite après la phase contradictoire du contrôle de l’entreprise. Cette somme représente une part minime du chiffre d’affaires annuel et correspond à la nécessité de neutraliser l’avantage de trésorerie indûment généré par les retards. L’administration a donc correctement pris en compte la taille de l’entité et les difficultés liées au contexte sanitaire pour fixer une peine juste et dissuasive.