La cour administrative d’appel de Paris a rendu le 29 avril 2025 une décision relative au licenciement pour motif économique d’un salarié protégé. Une entreprise spécialisée dans l’assistance aéroportuaire, faisant l’objet d’une liquidation judiciaire, a sollicité l’autorisation de licencier un chef d’équipe titulaire d’un mandat représentatif. L’inspectrice du travail a initialement fait droit à cette demande avant de retirer sa décision et de refuser l’autorisation suite au recours gracieux du salarié. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par l’employeur contre cette seconde décision par un jugement du 24 avril 2024. La juridiction d’appel doit déterminer si l’absence de communication immédiate du recours gracieux à l’employeur constitue une irrégularité privant ce dernier d’une garantie substantielle. Le litige porte également sur le sérieux des recherches de reclassement effectuées par le mandataire judiciaire au sein des différentes sociétés composant le groupe. La cour confirme la légalité du retrait en jugeant que l’employeur a disposé d’informations suffisantes et que le recours à l’intérim démontrait l’existence de postes. L’analyse portera sur la préservation des garanties procédurales puis sur le contrôle rigoureux de l’obligation de reclassement.
I. Le respect des garanties procédurales lors du retrait d’une autorisation de licenciement
A. L’exigence du caractère contradictoire de la procédure de recours administratif
Le retrait d’une décision créatrice de droits au profit de l’employeur est subordonné au respect d’une procédure contradictoire préalable garantissant l’équilibre des droits. L’inspecteur du travail, saisi par un tiers, doit « mettre l’employeur, au profit duquel la décision contestée a créé des droits, à même de présenter des observations ». Cette formalité impose la communication de l’ensemble des éléments fondant la nouvelle décision, y compris le contenu précis du recours gracieux formulé par le salarié. La procédure permet ainsi à l’entreprise de contester utilement les arguments adverses avant que l’administration ne modifie sa position initiale sur le licenciement envisagé.
B. La portée relative de la communication tardive des pièces à l’employeur
La transmission du recours gracieux à la société est intervenue après l’expiration du délai de réponse fixé par l’inspectrice du travail dans son courrier d’information. Cependant, les juges d’appel considèrent que cette tardiveté n’a pas privé l’employeur de sa garantie dès lors qu’il connaissait déjà les motifs essentiels du retrait. La décision de février 2022 et le courrier d’avril 2022 mentionnaient explicitement les manquements relatifs à l’obligation de reclassement et l’existence d’un lien avec le mandat. « L’employeur a été mis à même de présenter utilement ses observations » grâce à un délai de dix jours supplémentaire entre la communication et l’intervention de la décision.
II. Le contrôle approfondi de l’obligation de reclassement au sein du groupe
A. L’étendue du pouvoir d’appréciation de l’administration sur la recherche de postes
L’autorité administrative saisie d’une demande de licenciement doit vérifier que le liquidateur a réalisé une « recherche sérieuse des possibilités de reclassement » dans le périmètre du groupe. Ce contrôle s’exerce même en présence d’un plan de sauvegarde de l’emploi homologué, l’inspecteur conservant le pouvoir d’apprécier la réalité des efforts de reclassement individuel. En l’espèce, seules des offres sans rapport avec les qualifications de « chef d’équipe coefficient 220 » ont été proposées au salarié avec une rémunération nettement inférieure. L’administration a justement constaté que les propositions de reclassement interne étaient manifestement inadaptées aux capacités professionnelles et au statut contractuel de l’agent intéressé par la procédure.
B. La révélation de postes disponibles par le recours habituel au travail temporaire
L’insuffisance de la recherche de reclassement est établie par le recours massif à des travailleurs intérimaires au sein d’une société sœur durant la période d’enquête. L’inspectrice a pu « se référer à des circonstances postérieures susceptibles d’éclairer une situation préexistante » afin de démontrer que des besoins permanents en personnel n’étaient pas satisfaits. Le recours à l’intérim pour un volume horaire important révèle l’existence de postes disponibles qui auraient dû être proposés prioritairement au salarié protégé en vertu de la loi. L’employeur n’ayant pas apporté de preuves contraires sur la brièveté de ces missions, le manquement à l’obligation de reclassement justifie le refus définitif d’autorisation.