Cour d’appel administrative de Paris, le 3 juillet 2025, n°23PA05137

La Cour administrative d’appel de Paris, par son arrêt du 3 juillet 2025, précise le régime d’exécution des sanctions disciplinaires de substitution. Un praticien hospitalier avait subi une première exclusion temporaire de deux ans, dont l’annulation contentieuse fut ultérieurement prononcée pour insuffisance de motivation. Entre-temps, l’intéressé fut frappé d’une mesure de révocation pour des faits distincts, laquelle fut également annulée par le juge d’appel en raison de son caractère disproportionné. En conséquence de ces annulations successives, l’autorité administrative a édicté une nouvelle exclusion temporaire de deux ans destinée à remplacer la sanction initiale irrégulière. L’arrêté fixant la réintégration juridique de l’agent au terme de cette seconde période fut contesté par ce dernier devant les juridictions administratives. Le requérant soutenait que les jours d’exclusion effectivement accomplis sous l’empire de la première mesure devaient être déduits de la durée totale de la nouvelle sanction. Le Tribunal administratif de la Polynésie française ayant rejeté sa demande en septembre 2023, l’agent a interjeté appel devant la juridiction parisienne. La question posée aux juges d’appel consistait à savoir si les périodes d’exclusion accomplies en vertu d’une sanction annulée doivent être imputées sur une nouvelle sanction. La Cour confirme la solution de premier ressort en jugeant que l’administration peut légalement fixer le terme de la réintégration sans tenir compte des exécutions passées. L’analyse de cette décision suppose d’envisager la pleine autonomie de la sanction de substitution avant d’étudier le refus de toute imputation rétroactive des périodes d’exclusion.

I. L’autonomie de la sanction disciplinaire de substitution

A. La régularité du remplacement d’une mesure annulée

L’autorité administrative dispose du pouvoir de reprendre une sanction disciplinaire lorsque la décision initiale a été annulée par le juge pour un vice de forme. Dans cette espèce, l’administration a prononcé, le 25 mai 2020, une nouvelle exclusion de deux ans « en remplacement de celle du 2 mars 2017 ». Cette faculté permet à la collectivité de corriger une irrégularité tout en maintenant la répression d’un comportement fautif dont la matérialité n’est pas remise en cause. La substitution opère ainsi un renouvellement de la base juridique de l’éviction sans pour autant constituer une double sanction prohibée par les principes généraux. La Cour valide ce mécanisme en constatant que la décision de substitution était devenue le fondement exécutoire de l’exclusion du service à la suite des annulations contentieuses. Le raisonnement suivi par les magistrats confirme que la nouvelle mesure ne constitue pas un prolongement de la première mais un acte administratif indépendant. Cette indépendance juridique permet alors de déterminer les modalités d’exécution de la sanction sans référence nécessaire aux conditions d’application de l’acte précédemment disparu.

B. Le rétablissement différé des effets de la sanction nouvelle

L’exécution de la sanction de substitution a été suspendue par l’intervention d’une mesure de révocation qui a momentanément écarté l’application de l’exclusion temporaire. Lorsque la révocation est annulée pour disproportion, la décision d’exclusion de substitution recouvre immédiatement sa force exécutoire pour la durée initialement prévue par l’administration. La Cour relève ainsi que l’annulation de la révocation « a conduit à ce que la décision du 25 mai 2020 produise ses effets » de manière pleine. L’autorité administrative se trouvait dès lors en situation de compétence liée pour organiser le déroulement de cette exclusion à compter du rétablissement de la situation juridique. Cette automaticité garantit que l’agent ne puisse échapper à la sanction régulièrement prise par le pouvoir disciplinaire malgré les péripéties contentieuses ayant affecté la carrière. La détermination de la date de réintégration procède ainsi d’un calcul objectif fondé sur la durée de l’acte exécutoire à la date du retour effectif. L’autonomie de ce calcul écarte alors toute prise en compte des situations de fait nées de l’exécution d’actes juridiques désormais inexistants dans l’ordonnancement.

II. Le rejet d’une imputation rétroactive des périodes d’exclusion

A. L’étanchéité temporelle entre les mesures successives

Le requérant revendiquait la prise en compte de cent trente-neuf jours d’exclusion déjà effectués pour réduire la durée de la nouvelle période d’éviction du service. La Cour oppose à cette prétention une solution rigoureuse en jugeant que l’administration a pu légalement fixer la réintégration à l’échéance de la mesure exécutoire. Les magistrats affirment que les périodes passées hors du service en vertu de la sanction annulée sont « à cet égard sans incidence » sur la validité du terme. Cette position consacre une étanchéité absolue entre l’exécution d’une mesure irrégulière et celle d’une sanction de substitution régulièrement édictée par l’autorité compétente. Le juge refuse ainsi de créer un droit à la compensation temporelle qui viendrait amputer la durée d’une sanction que l’administration juge proportionnée aux faits. La solution repose sur l’idée que l’annulation rétroactive d’un acte efface ses effets sans pour autant lier l’administration dans l’exercice futur de son pouvoir. Cette absence d’incidence prive le requérant de toute possibilité de contester la durée effective de son éloignement des fonctions hospitalières au-delà des deux années.

B. L’exclusion de la responsabilité pour l’exécution de la sanction légale

La légalité de l’arrêté fixant la réintégration au 26 mai 2022 entraîne mécaniquement le rejet des conclusions indemnitaires présentées par le praticien pour ses divers préjudices. Dès lors qu’aucune illégalité n’est entachée, l’administration « n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité » envers l’agent public évincé de ses fonctions. Le requérant ne peut donc obtenir réparation pour la privation de rémunération ou les troubles dans les conditions d’existence subis durant la période contestée. La Cour souligne que le préjudice moral invoqué ne saurait davantage être indemnisé en l’absence de comportement fautif imputable à la collectivité publique concernée. Ce volet indemnitaire confirme que la durée globale de l’éviction, bien que supérieure à deux ans en fait, ne constitue pas une faute administrative. L’arrêt souligne enfin l’échec total de la stratégie contentieuse de l’agent en mettant à sa charge une somme au titre des frais de justice. La rigueur de cette solution protège l’efficacité du pouvoir disciplinaire contre les conséquences financières et temporelles des annulations prononcées pour de simples vices de forme.

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Hassan KOHEN
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