Cour d’appel administrative de Paris, le 3 juillet 2025, n°24PA04780

La Cour administrative d’appel de Paris a rendu, le 3 juillet 2025, un arrêt concernant la légalité d’un refus de titre de séjour. Cette décision apporte des précisions sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration face aux demandes de régularisation des travailleurs étrangers d’origine tunisienne.

Un ressortissant tunisien, arrivé sur le territoire national en 2016, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour pour des motifs exceptionnels. Il justifiait d’une activité professionnelle continue depuis 2017 et occupait un emploi de chauffeur-livreur sous contrat à durée indéterminée depuis plusieurs années. L’intéressé a toutefois été condamné par le tribunal judiciaire de Pontoise le 11 février 2020 pour l’usage d’un permis de conduire falsifié.

L’autorité préfectorale a opposé un refus à cette demande par un arrêté en date du 17 juillet 2023, assorti d’une mesure d’éloignement. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours formé contre cet acte par un jugement du 16 octobre 2024 dont l’intéressé fait appel. Le requérant soutient que la décision préfectorale est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de sa situation personnelle et professionnelle.

Les juges doivent déterminer si l’insertion professionnelle d’un ressortissant tunisien impose sa régularisation malgré l’existence d’une condamnation pénale pour conduite sans permis. La juridiction d’appel annule le jugement ainsi que l’arrêté au motif que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’exercice de son pouvoir. L’examen de cette solution conduit à étudier le cadre juridique de l’admission au séjour avant d’analyser la portée de l’intégration par le travail.

I. Le cadre juridique de l’admission exceptionnelle au séjour des ressortissants tunisiens

A. L’éviction des dispositions de droit commun par l’accord franco-tunisien

L’arrêt précise que les dispositions relatives à l’admission exceptionnelle au séjour ne sont pas applicables aux ressortissants tunisiens souhaitant travailler en France. La cour rappelle que « dès lors que l’article 3 de l’accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour », le droit commun est écarté. Cette exclusion se fonde sur le principe de spécialité des traités internationaux qui prévalent sur les dispositions législatives du code de l’entrée et du séjour.

B. Le maintien d’un pouvoir discrétionnaire de régularisation à l’initiative du préfet

Toutefois, l’absence de modalités d’admission exceptionnelle dans l’accord bilatéral ne prive pas le préfet de sa faculté de délivrer un titre de séjour. Il appartient à l’autorité administrative d’apprécier « l’opportunité d’une mesure de régularisation » en fonction de l’ensemble des éléments de la situation de l’étranger. L’étude des critères retenus par la juridiction pour censurer la décision administrative permet de mesurer l’importance accordée à la stabilité de l’emploi du requérant.

II. La sanction de l’erreur manifeste d’appréciation relative à l’intégration professionnelle

A. La valorisation d’une insertion durable et stable par l’activité salariée

La cour relève que le requérant réside en France depuis sept ans et exerce une activité professionnelle ininterrompue depuis six ans environ. Elle souligne que l’intéressé dispose d’un contrat à durée indéterminée et que son employeur exprime une volonté ferme de le maintenir dans ses effectifs. Les juges considèrent que ces éléments caractérisent une insertion sociale et économique suffisante pour justifier la délivrance d’un titre de séjour portant la mention salarié.

B. La portée limitée d’une condamnation pénale ancienne sur l’ordre public

L’administration avait opposé une condamnation pénale pour conduite avec un faux permis afin de rejeter la demande de régularisation présentée par l’intéressé. La juridiction estime cependant que ces faits isolés, commis quatre ans auparavant, ne constituent pas une menace actuelle et réelle pour l’ordre public. En privilégiant la stabilité professionnelle sur un manquement passé, l’arrêt renforce le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation dans le contentieux des étrangers.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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