Cour d’appel administrative de Paris, le 3 juin 2025, n°24PA03508

Par un arrêt rendu le 3 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise les conditions de validité du reclassement interne d’un salarié protégé.

Un délégué syndical a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique à la suite de la cessation définitive d’activité de son entreprise employeuse. L’inspectrice du travail a refusé l’autorisation de licenciement, mais l’autorité ministérielle a annulé cette décision initiale pour autoriser la rupture du contrat de travail. Le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande d’annulation formée par le salarié par un jugement prononcé en date du 9 juillet 2024. L’appelant soutient devant la juridiction d’appel que la société a méconnu son obligation de reclassement en transmettant des offres de postes dépourvues de précisions essentielles. Le juge administratif doit déterminer si la diffusion d’une liste de postes sans mention de classification professionnelle ni de critères de départage respecte les dispositions législatives. La Cour annule l’autorisation de licenciement au motif que l’imprécision des offres caractérise une recherche de reclassement insuffisante au regard du code du travail.

I. L’exigence de précision formelle des offres de reclassement collectif

A. La qualification juridique de la diffusion de listes de postes

La Cour relève que les propositions adressées au salarié incluaient des formulaires permettant de postuler à des emplois ouverts à plusieurs agents en même temps. Elle juge que ces offres « ne peuvent être regardées comme des offres de reclassement lui ayant été adressées de manière personnalisée » selon les règles habituelles. Ces propositions « constituent des listes d’offres de reclassement diffusées à l’ensemble des salariés » concernés par le projet de restructuration globale de l’activité de l’entreprise. Cette qualification impose à l’employeur le respect des obligations de transparence et d’information prévues pour les procédures de reclassement collectif au sein du groupe.

B. L’omission des mentions obligatoires relatives à la classification

L’examen des listes transmises révèle que « la ou les catégories professionnelles » n’étaient pas indiquées pour les postes de vendeur ou de responsable de département. Le juge souligne également que « les listes ne comportaient aucun renvoi explicite » vers un document ou un support aisément accessible reprenant ces mentions réglementaires. En outre, les documents transmis par la société ne précisaient pas « les critères de départage arrêtés afin de pouvoir identifier le salarié retenu » en cas de candidatures multiples. L’absence de ces éléments prive le salarié des informations nécessaires pour évaluer la correspondance des postes proposés avec son profil professionnel et ses aspirations personnelles.

II. La sanction du manquement à l’obligation de reclassement sérieux

A. L’insuffisance des informations comme obstacle à la réflexion

L’autorité administrative doit s’assurer que les offres fournissent « les éléments d’information de nature à fournir aux salariés les outils de réflexion déterminant leur décision ». Le manquement à cette exigence formelle de précision empêche le salarié protégé d’exercer ses droits de manière éclairée lors de la phase de reclassement interne. La Cour considère que le défaut de mention de la catégorie professionnelle ou du niveau de classification rend l’offre intrinsèquement imprécise au sens du décret. Cette rigueur formelle garantit l’efficacité du contrôle de l’administration sur la réalité et le sérieux des efforts de reclassement déployés par l’entité économique.

B. L’indifférence des circonstances de fait sur l’irrégularité

L’employeur ne peut utilement invoquer le fait que certains salariés ont effectivement été reclassés ou que le requérant a finalement refusé un poste proposé. Le juge administratif affirme que ces éléments sont « sans incidence sur cette appréciation » dès lors que l’irrégularité est constituée lors de l’envoi initial des offres. La sanction du manquement à l’obligation de recherche de reclassement entraîne nécessairement l’annulation de la décision ministérielle autorisant le licenciement pour motif économique. La Cour administrative d’appel de Paris réforme ainsi le jugement de première instance et fait droit aux conclusions de l’appelant pour excès de pouvoir.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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