La Cour administrative d’appel de Paris, le 3 juin 2025, statue sur la légalité du licenciement pour motif économique d’une salariée investie de fonctions représentatives. Une préparatrice de commandes a fait l’objet d’une procédure de licenciement suite à la fermeture définitive du site logistique où elle exerçait son activité. Après un refus de l’inspectrice du travail, la ministre compétente a autorisé la rupture du contrat, position validée par le tribunal administratif de Montreuil. La requérante soutient devant la cour que la société employeuse a méconnu son obligation de reclassement en transmettant des offres de postes insuffisamment précises. Le problème juridique porte sur le respect des exigences réglementaires relatives au contenu des listes d’offres de reclassement diffusées de manière collective aux salariés. La cour annule le jugement ainsi que la décision ministérielle en soulignant que l’imprécision des offres caractérise un manquement de l’employeur à ses obligations légales. Cette solution repose sur un examen rigoureux du formalisme des offres (I) avant d’en tirer les conséquences directes sur la validité du licenciement économique (II).
I. Un contrôle rigoureux du formalisme des offres de reclassement
A. La qualification juridique de la diffusion d’une liste de postes
La cour administrative d’appel examine d’abord la nature des propositions adressées par l’employeur pour déterminer le régime juridique applicable à la procédure de licenciement. Elle relève que les documents transmis permettaient à plusieurs salariés de postuler simultanément sur un même emploi sans garantie d’obtenir une suite favorable. Dès lors, les juges considèrent que ces offres « constituent des listes d’offres de reclassement diffusées à l’ensemble des salariés » et non des propositions personnalisées. Cette distinction impose à l’entreprise de respecter des obligations de transparence accrues afin de permettre un choix éclairé de la part des travailleurs menacés.
B. L’exigence impérative des mentions relatives à la classification
L’autorité administrative doit s’assurer que les listes communiquées comportent l’intégralité des mentions prescrites par les dispositions réglementaires du code du travail en vigueur. L’arrêt souligne que l’omission de la catégorie professionnelle et des critères de départage des candidatures multiples rend l’offre de reclassement juridiquement imprécise et irrégulière. Le juge précise en outre que l’absence de renvoi explicite vers un document aisément accessible ne permet pas de suppléer l’insuffisance des informations fournies initialement. Ce formalisme protège le salarié contre une information lacunaire qui nuirait à l’appréciation réelle des opportunités de maintien dans l’emploi au sein du groupe.
II. Une sanction objective de l’insuffisance de l’effort de reclassement
A. La protection de la capacité de réflexion du salarié protégé
Le licenciement des salariés protégés exige une vérification approfondie de la possibilité de reclassement par l’inspecteur du travail sous le contrôle du juge administratif. L’absence de précisions suffisantes dans les offres constitue un manquement car elle ne fournit pas les « outils de réflexion déterminant leur décision » souveraine. La cour rappelle que cette obligation de recherche sérieuse constitue une condition de légalité substantielle de la décision administrative autorisant la rupture du contrat. Par cette exigence, le juge assure l’efficacité concrète du droit au reclassement pour les représentants du personnel dont le mandat justifie une protection particulière.
B. L’indifférence des circonstances de fait postérieures à l’offre
L’irrégularité constatée par la cour présente un caractère objectif qui ne saurait être effacé par les événements survenus après l’émission des offres de poste. La circonstance que d’autres agents aient été effectivement reclassés dans la catégorie attendue est jugée « sans incidence sur cette appréciation » souveraine du juge. De même, le refus final par la salariée du poste pour lequel elle avait été initialement retenue ne permet pas de régulariser la procédure. L’annulation du jugement attaqué et de la décision ministérielle consacre ainsi la primauté du respect strict des formes protectrices du droit du travail.