Cour d’appel administrative de Paris, le 3 juin 2025, n°24PA03517

La Cour administrative d’appel de Paris, dans son arrêt du 3 juin 2025, apporte des précisions essentielles sur le régime de l’obligation de reclassement. Un salarié protégé, membre du comité social et économique, contestait l’autorisation ministérielle de son licenciement pour motif économique prononcée après une cessation d’activité.

L’inspectrice du travail avait initialement refusé l’autorisation, mais le ministre a infirmé cette décision le 28 novembre 2022. Le tribunal administratif de Montreuil ayant rejeté sa demande d’annulation le 9 juillet 2024, l’intéressé a saisi la juridiction d’appel. La question centrale portait sur la précision des offres de reclassement transmises sous forme de listes de postes disponibles. La juridiction administrative devait déterminer si l’absence de certaines mentions réglementaires suffisait à caractériser un manquement de l’employeur. L’arrêt censure le raisonnement des premiers juges en soulignant l’insuffisance des recherches de reclassement (I), avant d’en tirer les conséquences sur la légalité de l’autorisation de licenciement (II).

I. La caractérisation du formalisme impératif des offres de reclassement collectif

L’employeur peut proposer des offres de reclassement soit de manière personnalisée, soit par la diffusion d’une liste de postes à l’ensemble du personnel. En l’espèce, la Cour relève que plusieurs salariés pouvaient postuler sur les mêmes emplois sans garantie d’être retenus. Elle en déduit que ces propositions « constituent des listes d’offres de reclassement diffusées à l’ensemble des salariés » et non des offres personnalisées.

Cette qualification juridique entraîne l’application d’un formalisme strict défini par le code du travail pour garantir l’information complète des travailleurs. Les listes litigieuses mentionnaient le niveau de classification mais omettaient la catégorie professionnelle exacte, telle que définie par la convention collective applicable. De surcroît, aucun renvoi explicite vers un document accessible ne permettait de suppléer cette carence informative pour le salarié concerné. L’exigence de précision constitue ainsi une garantie substantielle pour le salarié dont l’emploi est menacé.

Les listes de postes disponibles doivent également préciser les critères de départage entre les candidats en cas de candidatures multiples. La Cour constate que ces critères « n’étaient en revanche pas indiqués » et ne figuraient sur aucun support aisément consultable par les intéressés. Le non-respect de ces prescriptions réglementaires entache la régularité des offres en privant le salarié d’éléments déterminants pour son choix. Cette précision formelle conditionne la validité de l’effort de reclassement effectué par l’entreprise avant toute rupture du contrat.

II. La sanction automatique d’une recherche de reclassement jugée insuffisante

Le manquement aux obligations d’information et de précision est apprécié de manière objective par le juge administratif sans égard pour les circonstances périphériques. La Cour affirme que « l’offre de reclassement est imprécise » dès lors qu’elle ne fournit pas les outils de réflexion nécessaires au salarié. Cette lacune caractérise à elle seule un défaut de recherche sérieuse de reclassement par l’employeur.

Le juge refuse d’accorder une portée salvatrice au fait que d’autres salariés aient pu être effectivement reclassés dans les catégories professionnelles omises. La circonstance que le requérant n’ait pas répondu aux offres proposées demeure également « sans incidence sur cette appréciation » du manquement patronal. La protection exceptionnelle du salarié investi d’un mandat représentatif impose un contrôle rigoureux de l’autorité administrative sur chaque étape de la procédure. Le ministre ne pouvait donc légalement autoriser le licenciement sans s’assurer de la parfaite précision des offres soumises au représentant du personnel.

L’insuffisance de l’effort de reclassement entraîne l’illégalité de la décision administrative autorisant le licenciement pour motif économique. La Cour annule par conséquent le jugement du tribunal administratif de Montreuil ainsi que la décision ministérielle contestée par le salarié protégé. Cette solution rappelle que l’obligation de reclassement ne se limite pas à la simple existence de postes vacants au sein du groupe. Elle exige une transmission d’informations précises et complètes, permettant au salarié de mesurer l’adéquation des propositions à ses compétences.

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Hassan KOHEN
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