La Cour administrative d’appel de Paris, dans sa décision du 30 janvier 2025, précise les conditions d’engagement de la responsabilité d’un établissement public administratif. Un agent contractuel de droit public demandait réparation d’un préjudice né de la prétendue carence de son employeur dans l’organisation d’un concours réservé. Le Tribunal administratif de Paris ayant rejeté ses prétentions par un jugement du 26 mai 2023, l’intéressé a interjeté appel devant la juridiction supérieure. Le requérant soutient que l’absence de dispositif permettant l’accès au statut de fonctionnaire constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’établissement. L’institution défenderesse oppose toutefois une fin de non-recevoir, estimant que seul l’État détient la compétence pour organiser de tels recrutements pour ses agents. Le litige porte ainsi sur l’identification de l’autorité légalement responsable de la mise en œuvre des procédures de titularisation prévues par la loi du 12 mars 2012. Les juges d’appel rejettent la requête en confirmant que l’action était mal dirigée et que l’absence de chance sérieuse de succès faisait obstacle à toute indemnisation. L’analyse de cette solution impose d’examiner la détermination de l’autorité compétente pour l’organisation des recrutements (I), avant d’apprécier la réalité des fautes et préjudices invoqués (II).
**I. La détermination de l’autorité compétente pour l’organisation des recrutements réservés**
**A. L’attribution de la compétence d’organisation au ministère de tutelle**
La Cour rappelle que, selon les dispositions réglementaires, les agents d’un établissement sans corps de fonctionnaires propre doivent s’adresser au département ministériel de tutelle. Elle précise qu’il appartenait au « seul ministre chargé de l’emploi, en tant qu’autorité de tutelle ou de rattachement », d’organiser les recrutements réservés pour ces agents. L’établissement public, bien que doté d’une personnalité morale, ne disposait d’aucune habilitation législative ou réglementaire pour initier seul une telle procédure de titularisation. Les juges soulignent qu’aucun texte ne prévoit que « l’État aurait délégué » à cette institution le soin d’organiser les examens ou concours prévus par la loi. La compétence d’organisation demeure ainsi centralisée au niveau ministériel pour garantir l’unité de gestion des corps de fonctionnaires de l’État concernés par ce dispositif.
**B. L’irrecevabilité d’une action indemnitaire dirigée contre l’employeur public**
Le juge administratif tire les conséquences de cette répartition de compétences en constatant que les conclusions indemnitaires étaient dirigées contre une personne juridique incompétente. Le requérant n’ayant pas mis en cause la responsabilité de l’État dans ses demandes initiales, sa requête est rejetée pour avoir été « mal dirigée ». La Cour observe que l’établissement n’était pas tenu de transmettre la réclamation à l’administration d’État compétente, les dispositions du code des relations entre le public et l’administration étant inapplicables. Cette solution protège l’établissement public contre des recours portant sur des missions régaliennes de gestion de la fonction publique qui échappent à son pouvoir de décision. La responsabilité administrative ne peut ainsi être recherchée qu’à l’encontre de la personne morale investie par les textes du pouvoir d’agir ou de s’abstenir.
**II. L’appréciation de l’absence de faute et de la réalité du préjudice**
**A. La démonstration de l’ouverture effective de procédures de recrutement par l’État**
Indépendamment de l’irrecevabilité de la demande, la Cour examine le bien-fondé des griefs pour relever que l’État avait effectivement respecté ses obligations légales de recrutement. Les juges constatent que des arrêtés ministériels avaient autorisé l’ouverture d’un « concours réservé » et d’un « examen professionnalisé » pour l’accès aux corps de l’administration de l’État. Ces procédures étaient juridiquement accessibles aux agents contractuels de l’établissement public, démentant ainsi l’allégation d’une « abstention fautive » de la part de l’administration centrale. Le juge souligne la conformité de l’action administrative avec le calendrier de mise en extinction des listes de dérogations aux emplois permanents occupés par des fonctionnaires. La preuve d’une carence fautive n’étant pas rapportée, le fondement même de l’action en responsabilité s’effondre face à la réalité des mesures prises par la tutelle.
**B. La rigueur probatoire relative à la perte d’une chance sérieuse de succès**
La Cour administrative d’appel de Paris rejette également l’indemnisation en l’absence de démonstration d’un préjudice certain résultant directement de la situation administrative de l’agent. Le requérant « n’établit pas, comme il en a la charge », qu’il possédait une chance sérieuse de réussir les épreuves s’il s’y était régulièrement présenté. La simple perte d’une éventualité de titularisation ne suffit pas à caractériser un dommage réparable sans la preuve d’un mérite professionnel ou de capacités spécifiques. Le juge administratif maintient ici une jurisprudence classique exigeant un lien de causalité direct et une évaluation concrète des chances de succès du candidat évincé. Le rejet de la demande d’expertise confirme enfin que les éléments du dossier étaient suffisants pour écarter toute prétention financière infondée de l’agent contractuel.