Cour d’appel administrative de Paris, le 30 septembre 2025, n°25PA02389

L’ordonnance rendue par le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Paris le 30 septembre 2025 précise les conditions d’application du référé-expertise. Cette décision s’inscrit précisément dans le cadre du contentieux technique relatif à l’aptitude physique des personnels navigants de l’aviation civile. Un agent a sollicité une expertise judiciaire pour déterminer le caractère définitif de son inaptitude au service. Le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande par une ordonnance du 28 avril 2025. L’intéressé a par la suite interjeté appel devant la juridiction parisienne par une requête enregistrée en date du 16 mai 2025. Il contestait l’indépendance des médecins de l’administration et soulignait la contradiction entre les avis médicaux déjà rendus. Le ministre compétent a conclu au rejet de l’appel pour défaut d’utilité de la mesure. Le juge devait déterminer si des expertises administratives antérieures et contradictoires suffisent à écarter l’utilité d’une expertise judiciaire. La Cour administrative d’appel de Paris confirme l’ordonnance de première instance et rejette par conséquent la requête du personnel navigant. Elle estime que la contradiction entre les expertises médicales n’établit pas, en l’état, l’utilité spécifique d’une nouvelle mesure.

I. L’appréciation restrictive de l’utilité de la mesure d’expertise

A. La persistance d’un cadre d’expertise administrative préalable

Le juge des référés fonde son raisonnement juridique sur les dispositions de l’article R. 532-1 du code de justice administrative. Ce texte permet de prescrire « toute mesure utile d’expertise ou d’instruction » même sans décision administrative préalable. L’utilité de la mesure demandée doit nécessairement s’apprécier au regard des nombreux éléments d’information médicale qui sont déjà disponibles. En l’espèce, la situation du requérant avait fait l’objet de « deux expertises médicales » dans un cadre administratif. Ces examens visaient précisément à déterminer l’aptitude physique de l’agent navigant au sein de ses fonctions. L’existence de ces travaux préalables constitue un obstacle majeur à la reconnaissance d’un besoin d’instruction supplémentaire. Le juge considère que le dossier est suffisamment documenté pour permettre ultérieurement un débat au fond. L’expertise judiciaire ne saurait se substituer aux procédures médicales réglementaires déjà mises en œuvre par l’administration.

B. L’absence d’automatisme lié à la contradiction des avis médicaux

L’appelant invoquait la nature contradictoire des précédents avis médicaux pour justifier une intervention judiciaire. Il souhaitait obtenir l’avis d’un expert indépendant pour départager les conclusions des médecins administratifs. Le juge écarte cet argument en affirmant que cette circonstance n’a pas pour effet de conférer « une utilité spécifique » à la mesure. La simple divergence d’appréciation entre praticiens ne rend pas nécessaire la désignation d’un expert par le tribunal. Cette solution témoigne d’une volonté de ne pas multiplier les mesures d’instruction de manière systématique. Le requérant n’apportait pas de preuve d’une carence grave dans les opérations menées précédemment. La Cour administrative d’appel de Paris maintient donc une exigence stricte concernant la plus-value de l’expertise judiciaire.

II. La préservation de l’office du juge du fond face au référé-expertise

A. Une mesure d’instruction subordonnée à la carence probatoire

La décision souligne que le référé-expertise ne doit pas devenir une étape obligatoire de la procédure administrative. L’utilité de l’expertise s’apprécie selon que le juge du fond dispose d’éléments suffisants pour trancher. Dès lors que les pièces produites permettent d’établir avec certitude la réalité des faits, l’expertise devient alors juridiquement superfétatoire. La Cour note que les expertises ont été menées « dans le cadre de la procédure d’examen d’une demande d’inaptitude ». Ces documents administratifs officiels conservent leur pleine valeur probante malgré les critiques acerbes formulées par le conseil du requérant. Le juge des référés refuse d’anticiper sur l’appréciation souveraine que portera le juge du fond. Cette position garantit l’équilibre entre les pouvoirs d’instruction du juge et les droits des parties. La mesure d’expertise judiciaire demeure une exception réservée aux situations d’incertitude factuelle insurmontable.

B. La confirmation d’une jurisprudence protectrice de l’efficacité procédurale

L’ordonnance du 30 septembre 2025 confirme la rigueur des juridictions administratives dans le contrôle du référé-expertise. Elle évite l’instrumentalisation du juge par les justiciables souhaitant obtenir un troisième avis médical gratuit. Le rejet de la demande préserve l’efficacité des procédures d’aptitude propres aux personnels navigants techniques. Le juge rappelle indirectement que la contradiction entre avis est un élément que le tribunal apprécie souverainement. L’absence de caractère « utile » de la mesure ferme ici la voie à une instruction judiciaire anticipée. Cette décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle constante limitant le recours au référé probatoire. La protection de l’administration contre des expertises redondantes assure ainsi une bonne administration de la justice.

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Hassan KOHEN
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