Cour d’appel administrative de Paris, le 31 décembre 2024, n°23PA02664

La Cour administrative d’appel de Paris, dans son arrêt rendu le 31 décembre 2024, précise les conditions d’application du délai de recours raisonnable. Le litige opposait un agent public à l’administration concernant le refus d’octroi de la prime spéciale d’installation prévu par le décret du 24 avril 1989. L’intéressée, affectée en Seine-Saint-Denis après une première affectation à Lyon, s’est vu opposer l’absence de démission préalable de son ancien emploi de stagiaire.

Le Tribunal administratif de Montreuil avait initialement annulé le refus ministériel avant que le ministre de l’économie ne relève appel de ce jugement de première instance. La question de droit posée aux juges d’appel concerne la tardiveté du recours contentieux lorsque des recours administratifs successifs suivent une décision initiale irrégulièrement notifiée. La juridiction d’appel annule le jugement attaqué en considérant que la demande présentée devant les premiers juges était tardive et donc manifestement irrecevable.

I. L’application du délai raisonnable aux recours administratifs successifs

A. Le déclenchement de la forclusion issue de la sécurité juridique

Le principe de sécurité juridique « fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire ». Cette règle s’applique impérativement dès lors qu’il est établi que l’intéressé a eu une connaissance certaine de la décision de rejet initiale. En l’espèce, la notification du 13 décembre 2019 ne comportait aucune information relative aux voies et délais de recours ouverts à l’agent. Le destinataire ne peut toutefois exercer son droit au recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable fixé en règle générale à une année civile. La connaissance de l’acte est ici établie à la date du recours gracieux formulé par l’agent le 27 janvier de l’année deux mille vingt.

B. L’incidence de l’interruption du délai par le recours gracieux

La présentation d’un recours administratif dans le délai imparti pour introduire un recours contentieux « a pour effet d’interrompre ce délai » de forclusion. Cette interruption bénéficie à l’administré même lorsque le délai applicable découle de la jurisprudence relative à l’absence de mentions obligatoires dans la notification initiale. Le délai d’un an recommence à courir dès la naissance d’une décision implicite de rejet si l’administration a correctement accusé réception du recours. En raison de la période d’urgence sanitaire, le délai de deux mois permettant la naissance d’une décision implicite a été suspendu jusqu’en juin deux mille vingt. L’intéressée disposait d’un nouveau délai raisonnable à compter de la connaissance de ce rejet implicite né durant l’été de la même année.

II. La déchéance du droit d’agir par l’expiration des délais légaux

A. La substitution de la décision expresse à la décision implicite

L’intervention d’une décision expresse de rejet durant le cours du délai raisonnable vient modifier les conditions de recevabilité de la future requête contentieuse. La décision du 23 novembre 2020 « s’est substituée à la décision implicite de rejet » et comportait cette fois la mention exacte des délais. Cette notification régulière fait obstacle au maintien du régime dérogatoire du délai d’un an en rétablissant le délai de droit commun de deux mois. La Cour administrative d’appel de Paris relève que l’agent a nécessairement eu connaissance de ce rejet au plus tard lors de son recours hiérarchique. Le point de départ du délai de forclusion est ainsi fixé à la date certaine de réception de cet acte administratif explicite.

B. L’irrecevabilité irrémédiable de la requête contentieuse tardive

Le non-respect du délai de deux mois suivant la notification régulière d’une décision de rejet entraîne l’irrecevabilité définitive des conclusions dirigées contre cet acte. L’intéressée avait jusqu’au 12 mars 2021 pour saisir le juge de l’excès de pouvoir mais n’a déposé sa demande qu’au mois de mai suivant. La Cour juge que « Mme B… n’était pas recevable à contester ces décisions en raison de la tardiveté de sa demande » initiale. Cette solution confirme la rigueur de la juridiction administrative quant à la protection de la stabilité des situations juridiques consolidées par le temps. Le juge d’appel censure ainsi le raisonnement des premiers juges qui avaient omis de soulever d’office ou de retenir cette fin de non-recevoir.

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Hassan KOHEN
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