La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 4 février 2025 une décision portant sur la compétence juridictionnelle d’un litige indemnitaire complexe. Une association demandait réparation à une fédération sportive suite au non-renouvellement de son affiliation pour la saison deux mille seize deux mille dix-sept. Le tribunal administratif de Paris avait initialement condamné la fédération à verser une indemnité pour les préjudices subis par le groupement évincé. Saisie en appel, la juridiction administrative doit désormais déterminer si cet acte relève de la gestion privée ou d’une mission de service public. La cour décide de surseoir à statuer pour interroger le Tribunal des conflits sur la nature de la décision contestée.
I. Une qualification juridique incertaine entre gestion interne et service public
A. Le caractère hybride des missions exercées par l’organisme fédéral
La fédération en cause dispose d’une reconnaissance d’utilité publique et exerce des missions sous la tutelle de deux ministères distincts. Elle bénéficie d’un agrément de sécurité civile et d’une « délégation pour l’organisation des compétitions de secourisme sportif » en vertu du code du sport. Les manquements reprochés à l’association concernaient des activités de formation et de surveillance des baignades effectuées au profit d’une collectivité locale. La mesure de non-renouvellement de l’affiliation pourrait ainsi être regardée comme relevant seulement du « fonctionnement interne d’une personne de droit privé ». Dans cette hypothèse, le litige devrait être porté devant le juge judiciaire pour l’examen des conséquences dommageables de l’éviction.
B. L’impact de la sanction sur l’accès aux activités de service public
La décision litigieuse a toutefois pour effet concret d’empêcher le groupement de participer aux compétitions sportives officielles organisées par la fédération. La cour souligne que cette mesure peut être considérée comme « portant sur l’accès de l’association au service public » géré par l’organisme délégataire. Une telle analyse impliquerait que l’acte relève de « l’exercice de prérogatives de puissance publique » conférées pour assurer une mission d’intérêt général. La compétence administrative serait alors justifiée par la nature administrative de la décision initiale dont l’illégalité fautive est invoquée pour obtenir réparation. Cette dualité de finalités crée une ambiguïté majeure sur le régime juridique applicable à la rupture du lien d’affiliation.
II. Le recours au renvoi préjudiciel face à une difficulté sérieuse de compétence
A. L’identification d’une divergence d’interprétation entre les ordres de juridiction
La juridiction d’appel constate l’existence d’une difficulté sérieuse de nature à justifier la saisine de la haute instance de régulation des compétences. Elle cite notamment un exemple de la Cour d’appel de Paris du 14 mai 2020 où le juge judiciaire s’est reconnu compétent. Cette jurisprudence concernait une association n’exerçant que des missions de sécurité civile et de formation sans lien avec la délégation sportive. À l’inverse, le Conseil d’État retient parfois la compétence administrative lorsque la décision affecte directement la participation à la vie sportive nationale. Le juge administratif refuse ici de trancher seul cette question pour éviter tout risque de contrariété de décisions entre les deux ordres.
B. La mise en œuvre de la procédure de saisine du Tribunal des conflits
La cour fait application de l’article trente-cinq du décret du 27 février 2015 pour organiser la suite de la procédure contentieuse. Elle « renvoie au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence » soulevée d’office lors de l’audience. Le prononcé de l’arrêt suspend l’examen des conclusions indemnitaires et des appels incidents jusqu’à la réponse de la juridiction de renvoi. Ce mécanisme procédural permet de sécuriser la solution finale en obtenant une réponse souveraine sur le périmètre de la compétence administrative. Le juge d’appel manifeste ainsi sa volonté de respecter strictement la séparation des autorités judiciaires et administratives dans un domaine juridique mouvant.