Cour d’appel administrative de Paris, le 4 juillet 2025, n°24PA01901

Par un arrêt en date du 4 juillet 2025, la Cour administrative d’appel de Paris a statué sur le refus d’un titre de séjour opposé à une ressortissante étrangère pour des motifs médicaux. En l’espèce, une ressortissante ivoirienne, atteinte d’une pathologie nécessitant un traitement médical constant, avait sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions relatives aux étrangers malades. Le préfet de police de Paris avait rejeté sa demande, assortissant sa décision d’une obligation de quitter le territoire français et d’une interdiction de retour, au motif que l’intéressée pouvait bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine.

Saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif de Paris avait rejeté la demande par un jugement du 31 janvier 2024. La requérante a interjeté appel de ce jugement, soulevant notamment l’irrégularité du jugement de première instance pour omission à statuer sur un moyen, ainsi que l’illégalité des décisions préfectorales. La Cour administrative d’appel, constatant l’irrégularité du jugement, l’a annulé et a évoqué l’affaire pour statuer directement sur le fond du litige.

Il revenait ainsi à la cour de déterminer si la disponibilité des principes actifs composant un médicament dans le pays d’origine, plutôt que la spécialité pharmaceutique elle-même, suffit à caractériser l’existence d’un traitement approprié au sens de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La Cour administrative d’appel a répondu par l’affirmative, considérant que l’existence d’une offre de soins était établie dès lors que les molécules nécessaires au traitement de la requérante étaient accessibles en Côte d’Ivoire, et ce, même si la combinaison spécifique prescrite en France n’y était pas commercialisée.

La solution retenue, si elle s’inscrit dans une approche classique de l’office du juge administratif en la matière (I), illustre néanmoins la rigueur de l’appréciation portée sur la situation des étrangers malades (II).

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I. La confirmation d’un contrôle classique de la disponibilité du traitement

L’arrêt commenté applique avec rigueur les critères légaux régissant la délivrance d’un titre de séjour pour raisons de santé, en se fondant sur une interprétation stricte de la notion d’accès effectif aux soins (A), ce qui confirme la portée centrale de l’avis émis par le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (B).

A. Une interprétation stricte de la condition de l’accès effectif aux soins

La décision de la cour repose sur une lecture littérale des dispositions de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce texte subordonne la délivrance du titre de séjour à la double condition que l’état de santé de l’étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne puisse pas bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays d’origine. C’est sur cette seconde condition que le litige se concentrait.

La requérante soutenait que le médicament qui lui était prescrit en France n’était pas disponible dans son pays d’origine, produisant une attestation du laboratoire pharmaceutique. La cour a écarté cet argument en se fondant sur les observations de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, lesquelles s’appuyaient sur une base de données médicale internationale. Celle-ci établissait que les trois molécules composant le traitement étaient bien disponibles dans un centre hospitalier de la capitale ivoirienne. La cour en déduit que « la requérante n’est pas fondée à soutenir que le traitement necessary à la prise en charge de sa pathologie ne serait pas disponible en Côte d’Ivoire ». Le juge administratif entérine ainsi une appréciation purement technique de la notion de traitement approprié, dissociant la spécialité pharmaceutique de ses principes actifs.

B. La portée maintenue de l’avis du collège de médecins de l’OFII

En validant le raisonnement du préfet, qui avait lui-même suivi l’avis du collège de médecins de l’Office, la cour rappelle le rôle pivot de cette expertise dans le contentieux des étrangers malades. Si l’autorité administrative n’est jamais en situation de compétence liée vis-à-vis de cet avis, il n’en demeure pas moins qu’il constitue l’élément central sur lequel se fonde sa décision et, par suite, le contrôle du juge. Le juge administratif exerce un contrôle sur la régularité de la procédure consultative et sur l’erreur de droit que commettrait le préfet en s’estimant lié.

L’arrêt illustre également la charge probatoire qui pèse sur le requérant lorsqu’il entend contester le sens de cet avis. Face aux éléments précis fournis par l’Office, les pièces produites par la requérante ont été jugées insuffisantes. La cour précise d’ailleurs qu’il appartient au demandeur de « lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent », afin de permettre au juge de se prononcer. En l’espèce, la cour a pu s’appuyer sur des données objectives pour estimer que les conditions d’un traitement approprié étaient réunies, consolidant ainsi la méthode d’appréciation suivie par l’administration.

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II. La rigueur de l’appréciation des situations individuelle et personnelle

Au-delà de la question purement médicale, la décision témoigne d’un contrôle limité sur l’appréciation des éléments contextuels de l’accès aux soins (A) et d’une application classique du contrôle de l’erreur manifeste dans le bilan des attaches de l’étranger (B).

A. Un contrôle restreint sur l’appréciation des éléments contextuels

La requérante soulevait des arguments d’ordre général relatifs aux « difficultés d’accès aux soins en Côte d’Ivoire ». La cour écarte ces éléments en les jugeant non « de nature à remettre en cause la possibility, pour elle, d’y bénéficier effectivement d’une prise en charge appropriée ». Cette formulation révèle une approche restrictive de la notion d’accès « effectif ». Le juge ne semble pas prendre en considération les obstacles pratiques, économiques ou géographiques qui pourraient complexifier l’accès au traitement, même si celui-ci est théoriquement disponible.

Cette position conduit à s’interroger sur le degré de concrétisation du contrôle juridictionnel. En se limitant à la seule disponibilité des molécules dans un centre hospitalier spécifique, sans examiner les conditions réelles d’accès pour une patiente donnée, le juge opère un contrôle qui peut paraître distant des réalités vécues par les personnes concernées. La rigueur de l’analyse juridique semble ici primer sur une appréciation plus globale de la situation sanitaire du pays d’origine, laissant peu de place à des arguments qui ne sont pas directement liés à l’inexistence du traitement lui-même.

B. Un contrôle classique de l’erreur manifeste dans le bilan des attaches

L’arrêt applique enfin le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation à la situation personnelle de la requérante. La cour procède à un bilan classique des liens de l’intéressée avec la France et son pays d’origine. Elle relève que la requérante est « célibataire, sans charge de famille en France », qu’elle n’a pas démontré une intégration particulière et qu’à l’inverse, elle conserve des attaches familiales fortes dans son pays, où résident « ses trois enfants, dont deux sont mineurs, ainsi que sa mère et sept de ses frères et sœurs ».

Face à ce constat, et dès lors que l’argument médical a été écarté, la cour conclut que la décision préfectorale n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Ce raisonnement, appliqué de manière identique aux trois décisions contestées (refus de séjour, obligation de quitter le territoire et interdiction de retour), démontre la cohérence de la construction jurisprudentielle. Toutefois, il confirme également que, en l’absence de liens privés et familiaux d’une intensité exceptionnelle en France, l’échec du moyen tiré de l’état de santé emporte presque mécaniquement le rejet de l’ensemble des prétentions de l’étranger.

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Hassan KOHEN
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