Par un arrêt en date du 4 juin 2025, une cour administrative d’appel a précisé le régime fiscal applicable aux redevances perçues par une personne physique pour la concession d’une marque à une société. En l’espèce, un contribuable avait concédé l’exploitation d’une marque à une société dont il était associé, percevant en contrepartie des redevances inscrites au crédit de son compte courant d’associé. L’administration fiscale, constatant l’absence de déclaration de cette activité, a qualifié les revenus de bénéfices industriels et commerciaux, les a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et a appliqué une majoration de quatre-vingts pour cent pour activité occulte.
Le tribunal administratif de Paris, saisi par les contribuables, a confirmé pour l’essentiel la position de l’administration. Les requérants ont alors interjeté appel, contestant la qualification d’activité occulte, le montant des revenus retenus, l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et le bien-fondé des pénalités. Ils soutenaient notamment que la concession de marque ne constituait pas une activité professionnelle et que les sommes imposables devaient correspondre au montant contractuellement prévu plutôt qu’aux montants inscrits en comptabilité par la société. Il revenait donc aux juges d’appel de déterminer si la concession d’une marque par un particulier caractérise une activité professionnelle dont l’absence de déclaration justifie l’application du régime de l’activité occulte, et de statuer sur les modalités de détermination du revenu imposable en cas de discordance entre un contrat et les écritures comptables.
La cour a jugé que la concession de marque constitue bien une activité professionnelle, dont l’absence de déclaration et d’enregistrement caractérise une activité occulte. Elle a en outre estimé que les sommes à retenir pour l’assiette de l’impôt sont celles inscrites au compte courant d’associé, lesquelles sont réputées disponibles pour le contribuable, sauf pour lui à apporter la preuve contraire. La décision confirme ainsi une conception extensive de l’activité professionnelle (I), tout en réaffirmant la primauté des écritures comptables pour la détermination du revenu disponible (II).
***
I. La confirmation d’une conception extensive de l’activité professionnelle occulte
La solution retenue par la cour repose sur une qualification rigoureuse de l’activité de concession de marque en activité professionnelle (A), entraînant l’application de lourdes conséquences attachées au caractère occulte de celle-ci (B).
A. La qualification de la concession de marque en activité professionnelle
La cour administrative d’appel valide sans équivoque la position de l’administration fiscale en considérant l’opération de concession de marque comme une véritable activité professionnelle. Elle juge en effet qu’« en concédant la marque dont il est propriétaire, [l’intéressé] doit être regardé comme ayant réalisé une activité professionnelle rémunérée par le versement de redevances ». Cette analyse écarte l’argument selon lequel le contribuable se serait limité à gérer son patrimoine privé. Le juge s’aligne sur une interprétation économique de la situation, considérant que l’exploitation d’un bien meuble incorporel en vue d’en retirer des recettes permanentes suffit à caractériser une activité économique au sens de l’article 256 A du code général des impôts.
Cette approche fonctionnelle permet de distinguer la simple perception de revenus patrimoniaux, comme des dividendes, de l’acte positif d’exploiter un actif immatériel. La régularité des recettes et l’existence d’un contrat de concession formalisant l’opération renforcent la conviction du juge quant au caractère professionnel de la démarche. En qualifiant ainsi l’activité, la cour confirme une tendance jurisprudentielle qui apprécie largement la notion d’activité professionnelle, ne la limitant pas aux seules professions traditionnellement reconnues. La circonstance que l’épouse du contribuable fût également concédante est jugée sans incidence, dès lors que l’intégralité des redevances a été portée au crédit du seul compte courant de l’intéressé.
B. Les conséquences rigoureuses attachées à la qualification d’activité occulte
Une fois l’activité qualifiée de professionnelle, son caractère occulte est établi par la simple constatation de deux manquements matériels, conformément à l’article L. 169 du livre des procédures fiscales. Il est en effet constant que le contribuable « n’a pas fait connaître cette activité à un centre de formalité des entreprises et qu’il n’a pas déposé de déclaration correspondant à cette activité ». Cette double défaillance suffit à faire jouer la présomption d’activité occulte, avec toutes les conséquences qui en découlent. La cour se montre inflexible quant à l’appréciation subjective du contribuable, qui ne peut se prévaloir de n’avoir « pas le sentiment d’exercer une activité professionnelle ».
La première conséquence, d’ordre procédural, est l’allongement du délai de prescription, qui est porté à dix ans. La deuxième est l’exclusion du bénéfice de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée, prévue par l’article 293 B du code général des impôts, qui vise expressément les redevables exerçant une activité occulte. Enfin, la qualification justifie l’application de la majoration de quatre-vingts pour cent prévue par l’article 1728 du code général des impôts. La cour rappelle que, face à cette qualification, la charge de la preuve est renversée : c’est au contribuable de démontrer qu’il aurait commis une erreur excusable, preuve non rapportée en l’espèce. La décision illustre ainsi le caractère automatique et sévère des sanctions liées à une activité non déclarée.
***
II. La primauté des écritures comptables dans la détermination du revenu disponible
Au-delà de la qualification de l’activité, l’arrêt est instructif quant à la méthode de détermination du montant des revenus imposables. Il réaffirme le principe de la disponibilité des sommes inscrites en compte courant (A) et en tire la conséquence logique d’un renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable (B).
A. Le principe de la disponibilité des sommes inscrites en compte courant d’associé
La cour rappelle un principe fondamental en matière d’impôt sur le revenu, selon lequel sont imposables les revenus qui ont été mis à la disposition du contribuable au cours de l’année d’imposition. S’agissant des associés de sociétés, cette disponibilité est présumée lorsque des sommes sont inscrites au crédit de leur compte courant. La décision énonce clairement que « les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé sont, sauf preuve contraire apportée par le titulaire du compte, regardées comme des revenus disponibles pour ce dernier ». Ce principe trouve sa justification dans le fait que le titulaire du compte peut, en droit ou en fait, opérer un prélèvement à tout moment.
En l’espèce, l’administration fiscale s’est fondée sur les montants de 120 000 euros et 80 000 euros inscrits en comptabilité par la société débitrice. Le juge estime cette démarche fondée, les écritures comptables constituant un élément probant de la créance de l’associé sur la société, et donc de la mise à disposition des fonds. Le contrat de concession, qui prévoyait une redevance plafonnée à cinq pour cent du chiffre d’affaires, est ainsi écarté au profit de la réalité comptable. La solution consacre la force probante des écritures de la société, qui se retournent ici contre l’un de ses propres associés.
B. Le renversement de la charge de la preuve au détriment du contribuable
La conséquence directe de la présomption de disponibilité est un renversement de la charge de la preuve. Les contribuables soutenaient que les montants inscrits en comptabilité étaient erronés et ne correspondaient pas à la convention des parties. Cependant, la cour estime que l’administration était « fondée à tenir compte des écritures comptables de la société ». Face à cette présomption, il incombait aux requérants de prouver l’indisponibilité des sommes ou leur caractère non imposable.
Or, la cour relève que « M. et Mme A…, sur qui la charge de la preuve repose en raison de l’application de la procédure de taxation d’office, ne démontrent pas que M. A… ne pouvait être regardé comme ayant appréhendé les sommes en litige ». Cette motivation souligne le poids de la procédure de taxation d’office, conséquence de l’activité occulte, qui place le contribuable dans une position probatoire très défavorable. En ne parvenant pas à combattre la présomption de disponibilité, les contribuables voient l’imposition maintenue sur la base des montants les plus élevés. L’arrêt illustre la difficulté pratique, pour un contribuable, de contester des écritures comptables, même s’il les estime non conformes à l’accord contractuel initial.