Cour d’appel administrative de Paris, le 4 juin 2025, n°25PA00734

La Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 4 juin 2025, précise les conditions de légalité relatives au regroupement familial partiel. Un ressortissant étranger a sollicité la venue de son fils mineur résidant au Sénégal auprès de sa mère dont il est séparé. L’autorité préfectorale a opposé un refus implicite à cette demande, provoquant ainsi l’introduction d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir. Par un jugement du 17 janvier 2025, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision au motif que les conditions légales étaient satisfaites. L’administration a alors interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de ce jugement et le rejet de la demande de première instance. Le litige repose sur la question de savoir si le souhait de scolariser un enfant en France constitue un motif d’intérêt supérieur suffisant. La juridiction d’appel censure la position des premiers juges en estimant que la demande de regroupement ne présentait pas un caractère complet et justifié.

I. L’affirmation du caractère exceptionnel du regroupement familial partiel

A. La primauté du principe d’intégrité de la cellule familiale

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose que le regroupement soit sollicité pour l’ensemble de la famille. Cette règle garantit la préservation de l’unité des membres de la parentèle tout en limitant les séparations géographiques injustifiées au sein des fratries. La Cour administrative d’appel de Paris rappelle que « le regroupement familial doit concerner, en principe, l’ensemble de la famille du ressortissant étranger ». Ce principe fondamental fait obstacle à des demandes fractionnées qui pourraient nuire à l’équilibre personnel des enfants mineurs restés dans le pays d’origine. L’administration exerce ainsi un contrôle strict sur la composition de la famille pour éviter toute fragmentation artificielle de la cellule familiale initiale.

B. La qualification rigoureuse de la demande de regroupement partiel

La demande présentée par l’administré ne concernait qu’un seul de ses enfants, lequel vivait encore sous la garde habituelle de sa mère biologique. La juridiction souligne que cette situation « constituait une demande de regroupement partiel au sens de L. 434-1 » du code susvisé. Les juges considèrent que l’accord de la mère pour le départ de l’enfant reste sans incidence sur la qualification juridique de la requête. Dès lors que l’enfant ne rejoint pas l’intégralité de sa fratrie ou ses deux parents, la procédure dérogatoire du regroupement partiel doit s’appliquer. Cette interprétation stricte empêche les administrés de contourner les obligations de cohésion familiale par de simples arrangements privés dépourvus de force juridique contraignante.

II. L’exigence d’une justification probante de l’intérêt supérieur de l’enfant

A. L’insuffisance des motifs liés à la poursuite des études

L’autorisation d’un regroupement partiel demeure subordonnée à la démonstration de motifs impérieux tenant exclusivement à l’intérêt propre de l’enfant concerné par la mesure. Le requérant invoquait la volonté de permettre à son fils de suivre une scolarité sur le territoire français pour justifier sa demande individuelle. Cependant, la Cour relève que l’intéressé ne produisait aucun élément concret permettant d’établir « l’existence d’un projet sérieux de son fils dans une telle perspective ». La simple évocation d’un avenir académique meilleur ne suffit pas à caractériser un intérêt supérieur de nature à déroger au regroupement total. Le juge administratif exige désormais des preuves matérielles et des documents précis pour valider la réalité d’un projet éducatif singulier et cohérent.

B. Le maintien de l’équilibre familial dans le pays d’origine

Le refus opposé par l’administration ne porte pas une atteinte disproportionnée à la vie familiale lorsque l’enfant dispose d’attaches stables dans son pays. L’arrêt note que le mineur « vit au Sénégal auprès de sa mère », situation qui assure la continuité de son éducation et de son affection. La Cour estime donc que le rejet de la demande ne méconnaît ni la convention européenne des droits de l’homme ni la convention internationale. Les magistrats considèrent que l’intérêt de l’enfant est mieux préservé par le maintien de son cadre de vie habituel que par un exil incertain. La décision administrative est ainsi confirmée car elle protège l’enfant contre une rupture brutale avec son environnement maternel sans justification d’une nécessité absolue.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture